(Billet 953) – Sahara, les fourberies de l’Oncle Sam

(Billet 953) – Sahara, les fourberies de l’Oncle Sam

Elle a le sourire éclatant et la pose avantageuse, devant le portrait « officiel » de Brahim Ghali (avec drapeau et titre), et elle a posté cette photo sur son compte X. Elle, c’est l’ambassadrice américaine en Algérie, partie à Tindouf pour la seconde fois en un mois, officiellement pour s’enquérir des opérations de donations mais réellement pour maintenir le Maroc sous « pression », le titiller, l’irriter…

Déjà, à la mi-novembre, Mme Aubin avait fait le déplacement à Tindouf, pour la même raison officielle, et s’en était suivie une déclaration de clarification du porte-parole du Département d’Etat, lequel avait dit que la visite consistait à « renforcer la réponse humanitaire à Tindouf », qu’il n’y avait « aucun engagement bilatéral avec le Polisario », que les « Etats-Unis soutiennent l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU afin de promouvoir une solution durable et digne », et que « les Etats-Unis continuent de considérer le plan d’autonomie marocain comme sérieux, crédible et réaliste et comme une approche potentielle, etc… ».

Et c’est bien cela le problème de la diplomatie américaine… Avoir de tous temps conduit une politique de duplicité dans ses relations au monde, avec l’Europe, avec la Russie, avec la Chine, avec les pays du Nouveau Sud, dont aujourd’hui le Nouveau Maroc. Comment expliquer autrement ces déclarations à l’aune de l’Accord Tripartite du 23 décembre 2020 que ni Joe Biden ni Antony Blinken n’ont jamais explicitement confirmé ? Comment expliquer l’usage de ce terme de « dignité », récente innovation langagière du Département d’Etat qui, soit dit en passant, sonne singulièrement faux dans la bouche d’un responsable américain dont l’administration et celles passées ont oublié le sens de la dignité humaine à Gaza ou à Guantanamo, en plus bien sûr des prisons US…

Ou alors, est-ce une manière de peser sur la diplomatie marocaine pour qu’elle infléchisse sa position concernant les massacres en cours, et à huis clos, à Gaza ? Peut-être que l’ambassadrice Aubin, par son éclatant sourire devant le morne visage de Brahim Ghali, a-t-elle voulu manier avec le Maroc le bâton, après la carotte des ventes d’armes (pas dons, ventes) et autres menues concessions ? Peut-être même est-ce un signe de courroux américain contre ce Maroc-qui-n’a-pas-condamné-le-Khamas !... Mais alors il faudrait que nos « amis » yankees comprennent que nous considérons le Polisario comme eux voient le Hamas, à savoir un groupe terroriste. Il reviendra au nouvel ambassadeur du Maroc à Washington, le commando Youssef Amrani, de leur expliquer ces choses, comme il devrait appartenir à Nasser Bourita de faire avec « son ami » Antony Blinken ce...

qu’il sait si bien faire, montrer sa mauvaise humeur.

Revenons à Mme Aubin. Soit cette dame ne sait pas ce qu’elle fait et qu’elle se soit faite piéger par les Algériens et alors elle devrait être rappelée à la raison par sa hiérarchie, voire rappelée tout court. Soit son comportement provocateur à l’égard des Marocains est conscient et bien mûri, et alors cela ouvrirait, ou devrait ouvrir, sur une politique plus musclée du Maroc avec le pays « dont il a été le premier à reconnaître l’indépendance », comme chacun sait. Oui, nous en avons les moyens, car les Etats-Unis, malgré leur puissance en tout, sont aussi singulièrement affaiblis dans le monde, tant par l’émergence de la Chine que par la résistance de la Russie à leur hégémonie que, enfin, par leur « indigne » position face à leur soutien avéré aux crimes commis par Netanyahou et les siens.

On savait donc les Américains fourbes, mais on ne les savait pas avoir une si courte vue géostratégique. La fourberie est dévoilée, encore une fois, par leur position concernant le Sahara car les documents déclassifiés de la CIA datant des années 70, montrent bien qu’ils savaient et savent encore que cette affaire est de création algérienne ; la fourberie est exprimée aussi à travers leur acharnement à jouer les uns contre les autres, à monter les autres contre les uns, à soutenir certains et ouvrer à maintenir l’opacité avec tous. Et leur courte vue géostratégique se manifeste aussi par leur non-compréhension du fait que la sécurité au Sahel, qui semble les inquiéter, passe par l’implication du Maroc, que l’atlantisme désormais affiché par le royaume devrait les intéresser et que le monde ne tourne plus autour de leur seule orbite.

Finalement, la grande erreur des Américains est de persister à considérer le monde avec le regard du 20ème siècle et de le diviser en grands pays qu’on ménage autant que possible et en petites nations qu’ils accablent continuellement.  Et leur erreur encore plus grande est qu’ils n’ont pas compris que leur duplicité traditionnelle rogne la confiance placée en eux et les éloigne de jour en jour d’un nombre croissant de pays.

Le Maroc l’a bien compris, qui conduit de manière décomplexée une politique et une diplomatie de plus en plus indépendantes, en acceptant et en acceptant d’assumer les risques qui vont avec. Et l’ambassadrice Aubin peut même y aller plus franchement avec le « président » Brahim Ghali, le sourire encore plus éclatant et la pose bien plus avantageuse.

Aziz Boucetta