(Billet 920) – Pour le PJD, c’est Apocalypse now

(Billet 920) – Pour le PJD, c’est Apocalypse now

Un long, très long communiqué, tellement long qu’il en devient document d’analyse, ou même traité politique synthétisé. Le secrétariat général du PJD s’est réuni cette semaine et a publié ce texte à l’issue des cogitations de ses membres, un texte dans lequel il dit tout, se révèle et se dévoile. En politique, il n’est jamais trop tard pour régler les comptes et de distribuer les gifles.

Abdelilah Benkirane et ses frères et sœurs sont revenus sur la catastrophe, mais ont ratissé large, souvent sans crainte de se contredire. Ainsi de se féliciter de ce qui a été réalisé depuis le séisme mais accabler les responsables nationaux… Tirer à boulets rouges sur les élus incapables et volontiers  intéressés mais oublier que toutes les grandes et moyennes villes ont été dirigées de 2015 à 2021 par le PJD, sans partage, sans opposition, sans contestation, mais sans aussi que les réalités de ces cités ne change… Fulminer face à l’état de dénuement des populations dans les régions sinistrées mais oublier qu’on a été aux affaires gouvernementales durant 10 ans…

Ce que disent les chefs du PJD n’est pas dénué de sens, mais en le faisant, ils se placent dans la position d’un parti de mauvaise foi… ce qui assez gênant pour un parti qui porte si haut la foi. Que disent-ils donc, en substance ? Qu’il est anormal que les régions dévastées fussent restées aussi longtemps dans leur conditions matérielles quasi primitives, que cela est dû en partie à l’incurie des élus locaux, pour une partie vénaux, pour une autre inaptes à gérer, car issus de partis politiques qui courent plus après les postes et les faveurs que pour le service des autres et le labeur. Et ils rappellent, les mêmes chefs, et à juste titre d'ailleurs, les très âpres discussions menées en 2016 au sein du gouvernement sur l’autorité qui allait gérer le gros pactole de 50 milliards de DH dévolus au monde rural. Les 50 milliards sont partis, mais les douars et les conditions de vie qui vont avec sont demeurés. Qui en est responsable ? Le PJD suggère « les autres », et il n'a pas tout à fait tort.

Tout cela n’est donc pas faux, mais il s’applique également au PJD.

Il ne faut pas oublier que ce parti, qui proclame haut et fort ce qui doit être fait, qui dénonce que cela n’a pas été fait, était en position dix années durant de le faire, ou au moins de commencer à le faire. Dix ans, c’est long, et si dans tous les pays du monde, démocratiques ou non, un mandat électif est de 5 ans, c’est qu’en deux mandats, en 10 ans donc, on peut faire des choses. Et même de grandes choses.

On ne peut occulter ainsi, d’un trait de plume, aussi gros et long soit-il, ces dix longues années à la tête du gouvernement et de ministères importants (pas tous, mais plusieurs). Des effets d’annonces, quelques coups de semonce, et aussi des réponses.

Alors, de même que l’on...

peut, que l’on doit, reconnaître au PJD l’audace d’avoir mené la réforme des retraites (même incomplète), de l’ONEE, la décompensation, les CRI…, de même que l’on peut le qualifier de vrai parti politique, avec organisation, discipline, idéologie définie, pénétration sociale… on peut également et légitimement poser la question : pourquoi du début 2012 à la fin 2021, rien n’a été fait dans ces montagnes, en termes d’équipements, de raccordements, de centres ruraux offrant des services publics de bonne facture… bref, en termes de niveau de vie ? Et pourtant, durant ces dix années, le ministère de l’Equipement était tenu par des Frères.

Les dix années passées au gouvernement (différent du pouvoir, mais pouvoir quand même) doivent également conduire ce parti à nous faire la grâce du discours apocalyptique. Un prédicateur anonyme et en quête de notoriété peut certes disserter sur l’Armageddon, discerner dans le séisme un signe précurseur de l’Apocalypse et palabrer à l’infini pour mener les fidèles à résipiscence face à la colère divine, mais pas un parti qui s’est heurté à l’exercice du pouvoir, à la confrontation, à la gestion, à l’opposition (enfin, si on puis dire), aux arbitrages. Un tel parti, sorti en 2021 par les élections et ayant reconnu ces élections, devrait être plus humble. Et surtout plus séculier. Truffer son texte de références religieuses est une chose, la langue étant ce qu’elle est, mais vouloir spiritualiser la vie publique en est une autre. Imputer le tremblement de terre aux égarements, errements et autres turpitudes ne grandit pas le PJD, au mieux, et au pire, en fait un complice car il a « géré » ce pays en s’accommodant de ces « péchés ».

Nicher dans le Péché l’explication et l’origine du séisme est étrange de la part d’un parti politique qui a occupé les plus hauts postes de l’Etat et qui a eu à connaître de tant de choses sur la nature des Marocains, vivant dans leur temps, comme ils l’entendent, dans la pratique de leur culte et en s’adonnant à des activités occultes, libres de leur choix de vie, mais sachant se grouper, comme un seul homme, comme une seule femme, quand un malheur advient. Dans la religion, la foi et leurs pratiques, mais à la marocaine !

Le PJD a géré les affaires du pays pendant dix ans, et il ne semble pas qu’il y ait eu de grands changements sociaux ou sociétaux entre avant le PJD au gouvernement et après le PJD au gouvernement. Mais le parti avait bataillé pour un 3ème mandat… Etait-ce pour changer en 5 ans le pays qu’il n’est pas parvenu à changer en 10 ans, ou était-ce, plus prosaïquement, une forme de complicité animée par la volonté de rester aux affaires, aux limousines, en avantages en nature et autres villégiatures, aux bureaux feutrés et aux voyages dans d’excellentes conditions ?

Non, dans cette affaire, concernant la réalité du terrain et des conditions de vie des populations des régions touchées par le séisme, et des autres aussi, tous les partis sont responsables, PJD compris.

Aziz Boucetta