(Billet 911) – Notre amie la France

(Billet 911) – Notre amie la France

Non, la France n’est pas rance, comme disent pourtant de plus en plus de Français de plus en plus visibles et audibles. Oui, la France est et demeure ce grand pays qui a inventé tant de choses dont l’humanité lui est redevable. En réalité, le drame de la France est qu’elle a juste vieilli en se donnant un président jeune lequel, par sa mauvaise lecture de l’histoire et son insouciance, a fait de son pays hier fringant un pays simplement arrogant, rejeté par les « petits », malmené par les « grands ».

Les Français sont-ils arrogants ? Non, la généralisation serait plus qu’abusive, coupable. Mais l’image renvoyée à l’étranger par le pouvoir de ce jeune président est celle de l’arrogance fondée sur la condescendance, sauf à l’égard des grandes puissances, face auxquelles il troque l’arrogance pour la soumission, voire même la docilité.

Cette image d’arrogance est relayée par une grosse partie des médias français, volontiers donneurs de leçons. Ils passent leurs journées en inondant leurs plateaux de jugements, suivis de sentences, sur les médias du monde et sur le monde. A leurs yeux, comme on dit, la terre se divise en « l’Ouest et le Reste », et le Reste, donc, est jugé à longueurs d’émissions. Ainsi, les médias russes sont à la dévotion de Vladimir Poutine, les médias chinois entre les mains du Parti communiste local, les africains sont tantôt infantilisés (forcément, colonisation oblige…) tantôt réduits à des antres de revanchards panafricanistes, les médias arabes comme porteurs de ce qu’on appelle l’idéologie islamiste ou inféodés à leurs pouvoirs « dictatoriaux »… Mais personne ne dit que les médias français sont dans leur écrasante majorité propriétés de grandes fortunes, elles-mêmes n’ayant rien à refuser, ou si peu, au pouvoir politique, bouclant ainsi la boucle.

C’est donc parfaitement par hasard et sans absolument aucune concertation qu’hier après-midi, brusquement, les médias (presse et télés) s’en sont donné à cœur joie contre le roi Mohammed VI et même son fils le prince héritier Moulay Hassan, c’est tout à fait par hasard, oui… Mais bon, comme le rappelle si justement Naïm Kamal : « C’est du Roi qu’on a besoin aujourd’hui. Vous ne l’avez pas compris quand vos forces d’occupation ont exilé son grand-père, Mohammed V, vous ne le comprendrez pas plus aujourd’hui ». Et on pourrait même ajouter, « on a besoin de lui aujourd’hui et demain ». En réalité, vous comprenez parfaitement, avec votre président actuel qui ajoute la maltraitance à l’arrogance, au point de se faire huer sous les yeux du monde entier lors de l’ouverture de la coupe du monde de rugby. Au Maroc, le roi est incontournable, oui, et il emporte l’adhésion de tous et de chacun, et de cela, ces médias français, curieusement, ne se remettent pas.

Sur le plan politique, les médias français, toujours eux, se plaisent à décortiquer, puis à croquer, les systèmes politiques des pays du Reste… Dans le Golfe, ce sont des « monarchies riches et autoritaires », en Chine le Parti est « totalitaire », Poutine en Russie est « le maître » (ou le tsar), les « jeunes démocraties africaines » (infantilisées, donc), l’ « instabilité chronique des régimes politiques latino-américains »… Mais personne n’insiste trop sur la nature vraie du fameux 49.3 et, en creusant un peu, sur les articles 44.3 et 47.1...

de la constitution française, un ensemble homogène et cohérent, parfaitement pensé et conçu par Charles de Gaulle, pour asseoir ce qu’on appelle pudiquement, et très rarement, juste entre initiés, « le parlementarisme rationalisé » où l’exécutif encadre et contrôle le législatif. Ah, si ce « parlementarisme rationalisé » se trouvait dans une quelconque contrée hors de l’Ouest, dans le Reste, que d’imprécations et de sentences n’aurions-nous pas entendues dans les médias de France !

Mais entendons-nous encore une fois, ce sont les médias et le pouvoir politique actuel qui sont en cause. Entre les peuples de la terre et les Français, la France, l’attachement et l’estime demeurent de mise ; il est toujours très agréable de se trouver en France et il est encore plus agréable d’échanger avec ses gens ; si ce n’est pas la culture, c’est le business, ou la gastronomie, ou la littérature, ou l’œnologie ou l’archéologie ou autre chose, mais il y a toujours quelque chose d’intéressant.

Ce qui dérange, ce qui insupporte, c’est ce pouvoir français arrogant et ces médias français insoutenables de suffisance et d’approximations. Sur à peu près tout. Comme nous le pouvons constater pour la couverture du séisme qui a frappé le Maroc vendredi dernier, sur les « sujets » concernant les opérations de secours, sur « ces gens qui souffrent et qui meurent sans aide internationale », sur la monarchie marocaine, sur le Maroc en général, en particulier et en détail. Et jusqu’à même cette insistance du service public à montrer la carte du Maroc avec le trait le séparant du Sahara, le Sahara dans une autre couleur et rageusement estampillé « Sahara Occidental ».

Et bien non, Mesdames et Messieurs du pouvoir politique et des médias français du service public ou du privé au service du public, ce roi est le nôtre, nous le respectons, nous l’admirons et nous l’aimons… vous ne l’admettez pas. Le Sahara est marocain et le restera, de votre plein gré ou ‘’à son insu’’… et vous ne l’acceptez pas plus. Et nous continuerons notre marche vers l’avant, malgré les coups durs et les vicissitudes, avec vous ou malgré vous. Que vous y consentiez ou pas !

Dans ce séisme, nous avons perdu près de 3.000 vies (pour l’instant), des milliers de personnes sont blessées et des dizaines de milliers d’autres sans abri, une trentaine de sites historiques ou archéologiques ont été détruits ou gravement endommagés… Le Maroc est un pays aujourd’hui en deuil, et une fois que le deuil sera fini, il aura à affronter de rudes moments et à accomplir des tâches monstrueusement compliquées qu’il est capable de mener, avec l’aide désintéressée d’amis véritables. Alors, comme le disent certains de vos hommes politiques et de vos journalistes, mettez votre ego de côté, enfermez votre condescendance dans votre poche (il devrait y avoir encore un peu de place dans ces poches…), et rendez-vous à la réalité : le Maroc d’aujourd’hui n’est plus celui que vous connaissiez et que vous preniez plaisir à abaisser.

Dans l’attente, merci à tous ces Français, acteurs ou entrepreneurs, universitaires ou militaires, touristes ou secouristes, réellement épris du Maroc, respectueux de ses gens et de son histoire, de ses traditions et de ses institutions, merci à tous ces Français restés humanistes, empathiques et amicaux. Ces amis de… notre amie la France.

Aziz Boucetta