(Billet 743) – Quand le Royaume-Uni célèbre son histoire et sa monarchie…

(Billet 743) – Quand le Royaume-Uni célèbre son histoire et sa monarchie…

A l’heure des adieux planétaires à la reine Elizabeth, il est utile de se souvenir que le Maroc dispose d’un trésor historique inestimable, celui d’une dynastie plus vieille que toutes les autres, à l’exception de celle du Japon ; elle remonte à 1636 et s’installe définitivement à la moitié du 17ème siècle. Les Marocains le savent, le monde, moins. Alors rappelons certaines choses historiques.

Au vu de la magnificence des funérailles organisées au Royaume-Uni à la suite du décès de la reine Elizabeth II et à l’heure où, aujourd’hui, chaque pays exalte et se remémore son histoire, il est utile de se rappeler et de rappeler la profondeur de l’histoire du royaume qui, comme les autres, a connu les vicissitudes d’un passé tumultueux, mais qui a su garder et sauvegarder ses institutions. Et après la japonaise, la dynastie alaouite est la plus ancienne au monde.

Après les Idrissides, les Almohades, les Almoravides, les Mérinides et les Saâdiens, les Alaouites sont arrivés et ont assis puis renforcé leur puissance, étendant leur empire au sud jusqu’aux confins du Sénégal actuel et au sud-est à Gao, au Mali. Les Alaouites ont entretenu des relations avec la plupart des cours d’Europe… avec la France, dirigée alors par le Roi Soleil Louis XIV qui reçut l’ambassadeur Abdallah Ibn Aïcha, envoyé par Moulay Ismaïl… puis le Maroc Alaouite a longuement échangé avec les monarques anglais, le roi Moulay Ismaïl toujours ayant mandaté l’ambassadeur Mohammed Benhaddou en 1682 auprès de la Cour anglaise, avant d’autres ambassades à Londres et ailleurs.

Plus tard, c’est avec la Russie de Catherine II que le sultan Mohamed Ben Abdallah initia et entretint des relations diplomatiques et commerciales. C’était en 1777, à la même époque où le même sultan avait autorisé les bateaux américains à se ravitailler dans les ports du royaume, avant de signer un traité d’amitié entre les deux pays. Et les relations, échanges et contacts se sont poursuivis avec l’ensemble (ou presque) des cours européennes de l’époque et également les suivantes, Danemark, Suède et bien évidemment Espagne et Portugal.

L’ancrage royaliste et dynastique marocain se confirme avec l’Histoire quand, après la phase coloniale, la totalité des empires et royaumes d’Afrique ont disparu au départ des puissances coloniales, à l’exception de l’Empire chérifien, devenu le Royaume du Maroc, du Royaume d’Egypte, balayé par un coup d’Etat en 1952 et de l’Empire d’Ethiopie,


qui a fini par disparaître en 1975.

L’écart s’est néanmoins creusé entre le Maroc et tous ces pays d’Europe depuis la révolution industrielle, en dépit de certaines vaines tentatives du Maroc de s’y ancrer. S’ensuit une longue période d’antagonismes confessionnels et culturels qui ont durablement (car sans doute pas définitivement) éloigné le royaume des autres pays d’Europe. Il y eut une tentative de coopération scientifique et technologique entre le Maroc et l’Europe dans les années 1870, mais elle échoua du fait de la naissance des impérialismes économiques européens, matérialisés par l’affaiblissement progressif du Maroc, d’abord militaire, puis financier, et enfin politique, mais aussi en raison d’une mauvaise prise de conscience des Marocains de l’importance de l’industrialisation.

Aujourd’hui, un siècle et demi après la mainmise européenne sur le Maroc et près de 70 ans après son indépendance, à une époque où les uns et les autres sont déstabilisés pour diverses raisons, le Maroc affiche une éclatante stabilité et fait renaître les ambitions géopolitiques qui furent les siennes durant les siècles passés.

Ce bref rappel historique est utile quand on voit la fierté ressentie et bruyamment, ostensiblement, pompeusement affichée par les Britanniques à l’occasion de la disparition de leur reine et de l’accession au trône du roi Charles. Ce rappel est utile car le Maroc peut également être fier de sa monarchie, de son histoire et de son passé, malgré les revers et autres vicissitudes historiques, malgré des erreurs et parfois des errements car, malgré tout, la continuité historique procure la stabilité politique et débouchera tôt ou tard sur la prospérité économique…

… car c’est de cette continuité historique que découle la force et la vitalité actuelle et passée de la société marocaine, malgré les coups de boutoir assénés au pays par l’étranger proche républicain, prolongé chez certains d’entre nous qui persistent à regarder le royaume à travers le prisme de ce même étranger proche. C’est la stabilité procurée par un système monarchique et le temps long dans lequel il s’inscrit qui permettent les grandes avancées.

Aussi, comme les Britanniques célèbrent leur vieille monarchie avec faste et nostalgie, célébrons la nôtre à notre tour avec conviction et, dans son cadre, changeons les choses, à notre façon, à notre vitesse, avec nos critères et notre esprit. Rénovons nos monuments, exaltons nos épopées, cultivons notre particularité historique, car cela est aussi du soft power.

Aziz Boucetta