(Billet 447) – Le Maroc en est-il donc réduit à « solliciter » un appui de l’UE ??!!

(Billet 447) – Le Maroc en est-il donc réduit à « solliciter » un appui de l’UE ??!!

On savait que la communication gouvernementale allait mal, mais aujourd’hui, cela nous engage. Nous, ce sont les Marocains. Que les ministres et les autres cherchent de l’argent pour relancer ce qui le doit, vacciner ceux qui le veulent et renflouer ce qu’ils peuvent est une chose, le faire dans la dignité en est une autre, ô combien importante.

Voici quelques jours, nous disent les médias officiels et la non moins (très) officielle MAP, le ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Benchaâboune a « sollicité (…) le soutien de l’Union Européenne pour participer de manière importante au Fonds Mohammed VI pour l’Investissement ». Et voilà… Les mots ont un sens.

Cette semaine, le gouvernement, en quête désespérée d’argent, a emprunté à tour de bras, levé des fonds à donner le tournis avant de tourner et retourner la question du financement dans tous les sens. Ainsi, les Japonais viennent d’accorder un prêt à Rabat, pour un montant de 200 millions d’euros, soit 1,8 milliard de DH. Merci à eux, c’est bien gentil… Puis c’est au tour de l’Allemagne qui, elle, en grand pays qu’elle est, a fait en conséquence les choses en grand, débloquant une enveloppe de 1,387 milliard d’euros, dont 202,6 millions sous forme de dons. Merci encore.

Puis arrive l’UE, qui avait déjà promis 450 millions d’euros pour la lutte anti-Covid-19, en mars. Aujourd’hui, on « sollicite son appui ». Les mots ont, donc, effectivement, un sens : le gouvernement n’a pas « sollicité l’UE », mais il a « sollicité le soutien de l’UE », et là, le verbe solliciter prend le sens de « quémander »… Pas la peine d’aller plus loin car, dit-on, le diable se cache dans les détails et les termes diplomatiques sont précis.

Il est quand même triste que ce pays en soit donc réduit à « solliciter » un appui d’un continent qui le traite en retour avec une certaine condescendance, dans les visas, en économie, et même diplomatiquement, quand Rabat se trouve dans l’obligation de hausser le ton et froncer les sourcils pour obtenir une reconnaissance du bout des...

lèvres de la marocanité de son Sahara.

Cherchons d’abord l’argent chez nous avant d’aller « solliciter » l’appui des autres. Les Marocains ont donné et donneront encore, et les riches marocains ont également donné et peuvent donner davantage. Et quid de l’enquête demandée par le roi en juillet sur l’affaire du Conseil de la concurrence, où un montant de 6 à 700 millions d’euros est en jeu, en amendes pour entente déloyale entre grandes compagnies de distribution d’hydrocarbures ? Avant de « solliciter » quoi que ce soit de qui que ce soit, commençons donc par appliquer nos lois et recouvrer nos amendes !

Encore une fois, il est tout à fait naturel que l’Etat ait besoin d’argent pour dépasser cette pandémie, et force est de reconnaître que ledit a fait les choses en grand dans ce domaine, en dépit de la gestion incertaine et un peu cafouilleuse du gouvernement. Le Maroc a réussi à limiter le nombre de décès par rapport aux pays européens, même s’il a eu à pleurer 6.000 décès. Le Maroc a anticipé les choses en se lançant dans la fabrication de masques de protection et de matériels divers, en dépit de la gestion ultérieurement et administrativement chaotique des autorisations de ces appareils. Le Maroc a vite compris la nécessité du vaccin et a « dealé » très tôt avec les Chinois de Sinopharm, pour un vaccin moins, beaucoup moins contesté, moins, beaucoup moins inquiétant que celui des Américains. Et aujourd’hui, prenant le pas sur les grandes puissances, le Maroc a pris la décision de lancer sa campagne nationale (et rapide) de vaccination de sa population.

Et le voilà aujourd’hui qui « sollicite un appui » comme un vulgaire… passons.

Nos gouvernants doivent comprendre que les Marocains, bien qu’un peu sous-développés, savent leur histoire et en connaissent la grandeur. La vitalité de la société a été démontrée, et la résilience de nos structures et institutions aussi. Mais la dignité a également son importance. Nous l’avons perdue hier avec les conditions des visas Schengen, ne la perdons pas aujourd’hui encore pour l’argent !

Aziz Boucetta