(Billet 421) – Peut-on encore compter sur la reddition des comptes ?

(Billet 421) – Peut-on encore compter sur la reddition des comptes ?

Voilà une expression qui était sur toutes les lèvres et dans tous les esprits, suscitant enfin l’espoir d’avoir enfin un système politique qui rende enfin des comptes. C’était en 2011, quand la constitution avait été triomphalement votée par des Marocain(e)s qui voulaient ardemment y croire. Neuf plus tard, la chose a fait pshiiit, les indélicats et autres impénitents ayant mené par monts et par vaux une guérilla efficace contre des associations et une opinion publique finalement usées par l’indifférence ambiante.

Aujourd’hui, malgré la loi, la foi et les appels du roi, rien n’y fait. Dans son dernier discours d’ouverture de la session d’octobre du parlement, le chef de l’Etat a dit ceci : « Indépendamment de ses objectifs, la réussite de tout plan ou projet est tributaire de l’adoption des principes de bonne gouvernance et de reddition des comptes ». Quelques semaines auparavant, le président de la Cour des comptes Driss Jettou disait, lui, cela aux députés, sur un ton fort dépité : « La Cour produit entre 40 et 50 rapports annuellement (…). Personne ne travaille sur ces rapports et les problématiques qu’ils dévoilent, ni au Parlement ni au sein de votre honorable commission. Personne n’y prête attention ».

Comment donc assurer « la réussite de tout plan ou projet » quand « personne (ne) prête attention » aux rapports élaborés par la Cour des Comptes ? Au-delà de l’extrême gravité du propos de M. Jettou, c’est l’incroyable insouciance qu’il a suscitée qui devrait interpeler. Ainsi donc, voilà un homme, ancien premier ministre, ancien ministre de l’Intérieur, très haut magistrat au magistère duquel la constitution a consacré un Titre et quatre articles, que l’on dit bénéficiant de la confiance du roi… et qui produit « 40 à 50 rapports annuellement (auxquels) personne ne prête attention ». Il est permis d’en pleurer.

Venons-en au Conseil de la concurrence, lui aussi porté par un article de la constitution, qui dispose que ce Conseil est chargé « d’assurer la transparence et l’équité »… On ne...

sait ce qu’il s’est passé pour son travail sur les pratiques des distributeurs d’hydrocarbures, mais sa douzaine de membres ont été incapables de s’entendre et de rester zen, allant jusqu’à saisir le Makhzen en la personne du chef de l’Etat, accusant leur président des pires turpitudes. Le roi avait promptement réagi, demandant une enquête aux présidents des autres instances constitutionnelles, politiques, monétaire, judiciaire et de bonne gouvernance. Trois mois après, comme Soeur Anne, les Marocains ne voient « que le sommeil qui foudroie, et l’espoir qui déçoit »

Et puis, la crise Covid… On a entendu et on entend toujours ici et là des entrepreneurs du tourisme qui râlent (dans les deux sens du terme) et dénoncent les mauvaises décisions… des Marocains anciennement bloqués à l’étranger qui seraient un peu moins malheureux si on leur exposait les raisons de leur exil involontaire et leur douloureuse clochardisation (surtout à Sebta et Melilla)… Des familles de malades Covid, voire de victimes Covid qui attendent que quelqu’un daigne leur expliquer pourquoi toutes ces souffrances dues à des mauvaises décisions et à un oxygène qui manque… Il faut croire que le bol d’air frais n’est pas pour demain.

Mais il y aussi un « machin » au nom pompeux, et qui est resté discret depuis le jour lointain et inconnu où il a été mis en place. Ce machin, c’est l’Instance nationale de probité, de prévention et de lutte contre la corruption, dont on entend peu parler. Serait-ce à dire que la corruption est terrassée ? Non, c’est l’Instance qui semble harassée face à l’ampleur de la tâche.

Rien ne se fera sans reddition des comptes, et tout continuera de se compliquer avec les règlements de compte. Alors que l’épidémie virale est âprement combattue par les autorités sanitaires, la pathologie morale du pays s’aggrave, et requiert de la volonté réelle pour y remédier. Rien ne sert de discourir, il faut sévir à poing nommé, dirait l’autre…

Aziz Boucetta