(Billet 267) – Sécurité routière et campagnes routinières

(Billet 267) – Sécurité routière et campagnes routinières

Au Maroc, il y a ceux qui partent, car ils aiment la vie, et ceux qui y restent, ayant rencontré la mort, emportés dans des accidents de la circulation… Environ 3.500 tués à cause de l’insoutenable bêtise humaine. Le grand problème de notre politique de sécurité routière est que les politiques la réduisent à un enfilement de chiffres et la confient à des économètres zélés qui considèrent comme un triomphe toute baisse des statistiques.

M. Elotmani, heureux chef de gouvernement de son état, vient d’annoncer avec tambours et trompettes que le nombre de morts sur les routes, ces gens assassinés, a reculé de 3.593 en 2016 à 3.384 en 2019. Avec 209 personnes sauvées, « gagnées » en 4 ans, on est loin de l’objectif de réduire la létalité routière de moitié en 2026. Mais peu importe, les économètres et M. Elotmani affichent leur satisfaction.

Disons-le tout de go… l’Agence nationale de sécurité routière, ci-devant CNPAC, abat un travail colossal et régulier, mais au lieu d’être utile, ces efforts s’évèrent futiles. Pourquoi ? L’Homme, son inconscience, son inconsistance… et notre propension à penser que « cela n’arrive qu’aux autres », avant que cela ne frappe les « nôtres ». Qui, dans ce pays, n’a pas connu lui-même ou ne connaît pas un proche qui a connu de tels drames ? Ils sont bien rares…

Roulons et observons… Ce qui frappe d’emblée lorsqu’on scrute le comportement des Marocains sur les routes est une méconnaissance des lois de la circulation et surtout de leur esprit. L’espace public est méconnu et les règles de cohabitation dans ces espaces méprisées. L’incivisme est roi et l’impunité règne.

Nous ne le dirons jamais assez, avec 70.000 morts en 20 ans et quelques 200.000 personnes atteintes de traumatismes durables, le Maroc est un pays dangereux sur les routes et n’a...

même pas besoin d‘une guerre pour assurer une peu enviable mortalité. Face à cette violence, jamais « la violence légitime » de l’Etat n’aura été autant souhaitée. Regardons les statistiques des morts pour 100.000 habitants : avec 18 morts, le Maroc est certes le moins meurtrier en Afrique du Nord, mais en comparaison avec d’autres pays voisins ou proches, comme l’Espagne (3,7/100.000) ou la France (5,1/100.000), nous sommes loin du compte.

La différence se situe au niveau de la répression. Brûler un feu rouge est un crime en puissance, rouler à grande vitesse aussi… l’incivisme routier (priorité aux deux roues ou aux piétons, usage intempestif et abusif de l’avertisseur…) est un délit potentiel. La police et la gendarmerie doivent se montrer intraitables et la justice impitoyable. Et s’il s’avère nécessaire de changer encore une fois le Code de la route, dans le sens d’un plus grand durcissement pénal, à la bonne heure !

« Il faut terroriser les terroristes », disait Charles Pasqua… Et bien, il faut appliquer ce raisonnement aux chauffards, fils de notable ou neveu de général, juge indélicat ou fille d’élu, bourgeoise méprisante ou dandy prétentieux, jeune insouciant et parents permissifs et inconscients… Il est important que ces personnes, qui privent les gens de vie, sachent que les peines privatives de liberté leur seront impitoyablement appliquées, que leurs véhicules seront placés en fourrière pour de longues durées, que leurs amendes seront numérisées et exigées à chaque paiement de vignette, que la délation prouvée (comme en Corée du Sud) sera encouragée…

L’Espagne avait ainsi agi, la France aussi, et d’autres pays ont opté pour la politique de la tolérance zéro. Le Maroc, en plus de ses campagnes régulières, devrait y penser car… l’imbécilité doublée d’impunité tue et la sécurité routière ne doit pas se résumer en campagnes routinières !

Aziz Boucetta