(Billet 247) – Femmes des années 2020

(Billet 247) – Femmes des années 2020

Lui, chantait les femmes des années 80… Nous, nous devrions chanter les louanges de toutes ces dames qui travaillent dans l’ombre pour leurs foyers ou leurs enfants, et toutes ces femmes qui font ce Maroc tel qu’on aimerait l’aimer, ces femmes dévorées par leur passion mais pas forcément décorées par leur nation… Elles sont dans les domaines où l’Etat n’est pas, et avec comme maigres moyens une foi qui, à défaut d’ébranler les montagnes (c’est trop lourd), éveille les esprits, bouscule les consciences et corrige les errances et défaillances de notre gouvernance.

A tout seigneur, tout honneur… Aïcha Chenna qu’on ne présente plus, et du haut de ses presque 80 ans, poursuit inlassablement son combat en faveur des mères célibataires et des enfants abandonnés, luttant contre une puissance publique indifférente et une opinion publique vociférante. Cette digne Mère courage porte très haut les valeurs de ce pays que d’autres se contentent de beugler bruyamment devant les micros… Pas la peine de rappeler les chiffres, ils cognent d’eux-mêmes !

Comme nul n’est prophète en son pays, il est encore plus difficile d’y être prophétesse, et c’est le cas de Najat Mjid. Cette dame a bataillé contre les injustices faites aux enfants abandonnés et ferraillé contre des pouvoirs publics qui œuvrent vaillamment à mettre la poussière sous le tapis. Justement, ces enfants, elle ne les a jamais considérés comme de la poussière, et c’est pour cela que de la protection locale des enfants, elle a été repérée et récupérée par Antonio Guterres qui en a fait sa Représentante spéciale chargée de la question de la violence contre les enfants, avec rang de Sous-Secrétaire générale de l’ONU !

Neila Tazi est une femme d’affaires et de caractère, une femme de terrain qui laboure le terreau gnaoui. Lorsqu’à 20 ans, les gens de son milieu batifolaient à Marbella ou Acapulco, elle raffolait déjà de la culture gnaouie. Elle a alors fondé son festival éponyme, quelle a enrichi de fusions et de diffusion planétaires, en déjouant sans cesse les coups bas et affrontant avec stress...

les coups durs… jusqu’à faire inscrire cet art ancestral marocain au patrimoine immatériel de l’UNESCO, après avoir créé au forceps une fédération des industries culturelles et créatives, au sein d’une CGEM hostile qui avait plus d’yeux pour le dollar que pour l’art.

Farida Jaïdi est diplomate, ancienne ambassadrice en Suède et au Brésil. Démobilisée par la diplomatie, elle s’est mobilisée à titre perso pour la formation des jeunes diplomates d’ici et d’ailleurs. Et puis, trouvant un peu de temps libre, elle a lancé un combat improbable pour une femme qui a vécu les fastes à Stockholm et Brasilia : les toilettes publiques ! Ewa ? Elle a fondé Environmental Women Association, ou EWA, pour la santé, l’hygiène et l’éducation du citoyen, dit-elle avec un air de don Quichotte (sans jeu de mots) luttant contre les moulins à vent publics.

Et puis il y a les autres… toutes inconnues du grand public mais aussi coriaces qu’efficaces pour corriger les défaillances publiques. Celles qui défendent les droits des handicapés à une vie normale, qui lancent des opérations de soutiens aux ados en déprime ou suicidaires, qui encadrent les femmes dénuées de tout dans des douars éloignés de tout et oubliés de tous… et les autres, toutes les autres qui œuvrent inlassablement en silence pour remédier à la mauvaise gouvernance.

Enfin, cette véritable armée qui assure véritablement la stabilité sociale de ce pays… le Maroc compte en effet près de 1,5 million de ménages gérés par des femmes seules, avec 75% de ces femmes qui sont inactives, du moins dans le secteur formel. On imagine à peine l’extrême détresse de ces femmes dont on n’entend presque jamais parler, comme les « femmes-mulets », muettes et humiliées. Elles ont en charge l’instruction et l’encadrement de leurs enfants. Ces femmes subissent dans le silence et œuvrent avec persévérance.

Ces femmes admirables, dont on ne parle pas assez, agissent sans droits égaux aux hommes, discriminées dans leur quotidien et souvent incriminées pour leurs tâches quotidiennes. Ces femmes, peu reconnues par leur Etat, doivent au moins recevoir notre reconnaissance !

Aziz Boucetta