(Billet 222) – 36 pour « développer » 36 millions !

On les a attendus, ils sont là… on guettait les noms de ces gens, on les connaît désormais. Les membres de la fameuse Commission spéciale pour le Modèle de développement ont donc été désignés par le chef de l’Etat, leurs noms sobrement déclinés via un communiqué du palais. Deux ans après que le roi ait évoqué la nécessité de cette commission, trois mois après l’avoir solennellement annoncée, c’est aujourd’hui chose faite.

Beaucoup d’académiciens, quelques écrivains, deux médecins, des gens du terrain… et le travail peut commencer, enfin ! Que dire de la composition de cette Commission ? 10 femmes sur 36, 10 membres résidant à l’étranger, un zeste de privé et d’entreprise, certains arabophones mais le reste, tout le reste, des francophones, anglophones, ou autres… On ne peut satisfaire tout le monde, certes, mais on peut répondre aux attentes de tout le monde. Un commentaire sur les réseaux sociaux dit ceci sur la Commission : « Beaucoup de gens brillants et quelques lol ». Chacun s’y retrouvera, mais sur les centaines de profils qui auraient pu être appelés à cogiter, il fallait bien arrêter un choix et s’arrêter à un effectif réduit. 36, donc, qui devront « veni », « vidi », et surtout « vici ».

Les 36 ont exactement 6 mois pour « rendre leur copie », comme on dit, peut-être quelques jours de plus, mais pas un de plus, car le discours du Trône poindra à l’horizon…Et puisqu’on parle de « copie », au lieu de refaire le monde, nos 36 pourraient utilement « copier » des modèles de développement déjà élaborés ailleurs, déjà mis en pratique et aboutis ; cela leur ferait gagner du temps qu’ils n’ont pas. En Corée, à Singapour, en Malaysie… des modèles de développement ont réussi à hisser haut ces nations, et sont tous passés par l’éducation. Cela tombe bien, la CSMD abrite une pléthore de...

spécialistes de l’éducation… mais quid du Conseil de l’Education de M. Azzimane ? L’avenir proche le dira.

Le règne de Mohammed VI entame sa 3^ème décennie. La première était inscrite sous le signe des grands chantiers sociétaux, et des grands chantiers tout court. La seconde décade, inaugurée par le discours du 9 mars 2011, fut celle de la grande diplomatie et des institutions politiques renouvelées. Le discours du Trône édition 2019 a lancé cette 3^ème séquence du règne, et la mise en place de la Commission la place dans la logique du développement économique, et donc humain. 36 personnes sont là pour mettre le pays au travail et l’économie sociale sur les rails. Travailler plus, distribuer mieux, se goinfrer moins, et éduquer, éduquer, éduquer !

Le président Chakib Benmoussa avait affirmé que le travail de « sa » Commission serait consultatif, car le roi l’avait dit dans son discours de l’été, précisant que ladite ne doublerait pas le gouvernement. Fort bien, mais alors pourquoi demander « de l’audace et de la franchise »… pourquoi réclamer « un constat exact de l'état des lieux, aussi douloureux et pénible puisse-t-il être » (discours)… si c’est pour laisser un gouvernement – l’actuel et même le prochain – fonctionner en roule libre, avec les résultats qu’on sait ?

Le Maroc a des atouts et les Marocains en ont conscience ; avec cette commission, le Maroc joue son va-tout et les Marocains en ont préscience. Le Maroc avance parfois, stagne souvent et recule aussi, dans plusieurs domaines ; les Marocains le savent, aspirent à mieux et sont las d’attendre. Cela tombe bien, le 36 dynamos (dont les quelques « lol ») ne sont pas des champions de l’approximation et de la procrastination.

Il faut les soutenir et les accompagner et, à défaut, c’est bien le moins, croire en eux et leur souhaiter bon courage !

Aziz Boucetta