(Billet 208) – Chakib Benmoussa entre le Zéro et l’Infini

(Billet 208) – Chakib Benmoussa entre le Zéro et l’Infini

De Tanger à Lagouira, 2019. Dans le Maroc d’aujourd’hui, un homme a été nommé pour revoir les choses de fond en comble, réviser ce qui doit l’être pour permettre un mieux-être, à défaut du bien-être, et si possible sans se lancer dans ce qui ne serait qu’une simple aventure, une entreprise de procrastination. La confiance dans le Maroc d’aujourd’hui, c’est Zéro, et l’espoir, voire l’espérance, c’est l’Infini.

Entre les deux, Chakib Benmoussa, rappelé de sa sinécure diplomatique parisienne après avoir été ministre de l’Intérieur, dans une vie antérieure... Il a été chargé par le chef de l’Etat de mettre en place un nouveau modèle de développement. Vaste programme quand on sait que ce modèle devra être concocté dans un pays où tout est là sauf l’essentiel, la confiance.

Entreprendre, c’est avoir confiance. Être jeune, c’est faire confiance. Faire de la politique, c’est inspirer la confiance. Travailler comme fonctionnaire, haut ou pas, c’est agir dans la confiance. Rester vivre au Maroc, c’est se montrer en confiance. Las… on n’entreprend pas, ou si peu… les jeunes veulent s’en aller, presque tous… les politiques n’engagent qu’eux-mêmes et enragent ceux qui les croient encore… les fonctionnaires ont davantage peur que confiance… et très peu de gens ont encore confiance pour rester sur nos terres. La confiance est donc le premier maître-mot de ce nouveau modèle de développement, et M. Benmoussa, pour commencer, devrait développer son sens de la communication…

Quels seront ses objectifs et ses priorités de M. Benmoussa ? Comment pense-t-il organiser sa commission et articuler ses différents appendices ? Quelles spécialités devra-t-il convoquer pour l’accompagner dans sa tâche ? De combien de temps aura-t-il besoin pour mener à bien sa mission ?...

Une semaine de silence, c’est déjà trop…

Si l’ancien ministre de l’Intérieur agit comme il a l’habitude de le faire, c’est-à-dire en ne disant presque rien et en se montrant si peu, cela ne marchera pas, et son modèle fera pshiiiit pendant que les populations s’excitent. Un modèle de développement, cela implique tout le monde, et tout le monde devra y être associé, par l’action, par l’implication et aussi, et surtout, par l’information. Comme, jadis, pour la constitution et encore plus loin, pour la Moudawana…

Il faut y croire, à cette commission Benmoussa, mais dans le climat actuel du pays, ce n’est pas gagné. Il faut rassembler et fédérer, convaincre les gens pour vaincre leur scepticisme. La contestation est déjà là, pas besoin d’en arriver à la confrontation, autre que celle des idées. Le temps n’est pas l’allié de M. Benmoussa, qui peut s’aliéner les gens s’il ne prend pas le bon chemin.

Le deuxième maître-mot de cette Commission est le temps. Depuis que le roi a appelé à un nouveau modèle, il s’est passé deux ans… deux ans durant lesquels, coïncidence amusante, les contestations se sont multipliées et diversifiées, du public footeux aux chants populaires, du rap engagé aux discussions dans les chaumières, des réseaux sociaux enflammés aux cercles communautaires et aux constats atrabilaires… Et les chiffres cognent d’eux-mêmes !

Il serait donc conseillé que cette commission spéciale ne se contente pas de son allure spécieuse, et qu’elle renonce aux discours précieux. De la simplicité, pour la proximité, et de l’audace pour satisfaire les masses. Il semblerait que cela soit urgent… Les gens attendent la fumée blanche du décollage, et non la noire de l’enfumage !

Aziz Boucetta