(Billet 197) – Des mages pour notre sacrosainte image

(Billet 197) – Des mages pour notre sacrosainte image

Depuis le temps qu’on rabâche et ressasse la même chose, on a fini par le comprendre : le Maroc est follement soucieux de son image. Il n’est pas un de nos Très Chers Dirigeants qui ne vous le répétera ad nauseam : « il-faut-soigner-l’image-du-pays ». Pourquoi une telle obsession de notre image extérieure ? C’est simple : parce que cela pourrait ramener, directement ou non, des sous au pays, et surtout flatter notre fierté nationale. Mais il ne s'agit pas pour cela d'envoyer des mages marteler urbi et orbi des commérages et véhiculer ici et là des images d'Epinal dont eux-mêmes ne sont pas convaincus.

« Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle ». A force de chercher à redorer notre blason, il semblerait que nos gouvernants ne cessent de se repasser en boucle cette célèbre phrase du conte des frères Grimm, et qu’ils œuvrent héroïquement à grimer la face de notre royaume heureux. Un jour, quelqu’un d'intrépide avait eu l’idée de faire court et rapide, proclamant que « le Maroc est le plus beau pays du monde »., et rompez le ban. Mais c’était, en effet, un peu court…

Alors nos chefs ont décidé de faire le job : Le chef du gouvernement n’a d’yeux donc que pour le Doing Business et fait les yeux doux à tout dirigeant avec lequel il converse, alors que « son » ministre des Affaires étrangères se triture le jet-lag pour cette même question d’image qui l’enrage et l’engage à mieux faire. Et il peut certes mieux faire…

La diplomatie parlementaire vend le parlement et les partis partent à l’assaut du monde, pendant que notre autoproclamée CNN locale, Medi1TV, peine et se démène pour soigner notre image, le tout avec un...

bonheur tout relatif et de grands coups d’épée dans l’eau. Las… La « marque Maroc » ne trouve toujours pas ses marques et ne marque pas de points. Il faut croire que la méthode Coué a des limites : il ne suffit pas de penser qu’on est bien, et de se le répéter abondamment, pour l’être effectivement. Il faut l’être, simplement.

Le Marocain est très soucieux de l’image qu’il renvoie. Ainsi, dans les chaumières, riches ou pauvres, rurales ou urbaines, collectives ou individuelles, l’espace le plus cher et le plus cossu est celui qui est aussi le moins utilisé, en l’occurrence le lieu de réception ; le Marocain se voit et se vit dans l’image qu’il reflète chez les autres. Pour soigner notre image, la vendre et être (un peu) convaincant, il importe d’abord de soigner l’intérieur.

Pour vraiment vendre l’économie nationale, il faut qu’il y en ait une… une économie de production, d’innovation, d’inclusion. Pour réellement vendre une politique, il faut qu’il y en ait une aussi, avec des partis qui fassent sens, des citoyens de conscience et une bonne gouvernance. Pour concrètement vendre notre société, il nous faut une société civile, et civilisée, où les marginaux ne sont pas ostracisés et où les idées originales ne sont pas marginalisées.

Mais dans un pays vieux comme le Maroc, l’un des plus vieux au monde, les habitudes sont tenaces autant que les réflexes sont coriaces… et les changements fugaces. Pour « vendre » ce pays, la solution existe, et le roi a exposée voici quelques semaines,: il faut des compétences sans complaisance et des expertises pour des missions précises, l’homme ou la femme qu’il faut à la place qu’il faut, et une politique d’ensemble avec des acteurs qui ne fassent pas semblant.

Et vite.

Aziz Boucetta