La justice sud-africaine confirme la saisie du phosphate d’OCP et en ordonne la vente

La justice sud-africaine confirme la saisie du phosphate d’OCP et en ordonne la vente

La Haute Cour d'Afrique du Sud a affirmé aujourd'hui que le propriétaire de la cargaison de phosphate embarqué sur le bateau NM Cherry Blossom est le Polisario et non OCP Group ou Phosboucraâ, qui sont donc selon la justice sud-africaine non autorisés à vendre ce phosphate. Le verdict, trés prévisible au demeurant, a été rendu ce vendredi 23 juillet hors la présence de la partie marocaine, qui s’est retirée du procès en juillet, après un jugement allant dans le même sens.

Que dit la Haute cour d’Afrique du Sud ? que :

1/ Le propriétaire de la cargaison de phosphate actuellement chargée sur le navire est le Polisario et sa RASD (ou inversement),

2/ La propriété du phosphate n’a jamais été légalement détenue par l’Office chérifien des phosphates (OCP) ou sa filiale Phosboucraâ SA, et qu’ils ne sont donc pas autorisés à en faire commerce.

Ce jugement est aussi peu surprenant que très intéressant car il montre clairement qu’une cour de justice, située n’importe où dans le monde, peut statuer et prendre une décision exécutoire dans une affaire traitée par le Conseil de sécurité de l’ONU. C’est pour dénoncer ce fait que l’OCP s’était retiré du procès, qualifiant le jugement d’acte de « piraterie politique », dans son communiqué datant du 13 juillet 2017.

« Le 1er mai 2017, suite à une requête adressée par le Polisario, un juge sud-africain avait ordonné la saisie conservatoire d’une cargaison de phosphate en provenance de Phosboucraa, se traduisant par une immobilisation du navire à Port Elizabeth. Cette requête était fondée sur des allégations purement politiques.

Dans sa décision du 15 juin 2017, en décidant de renvoyer l’affaire sur le fond, et bien qu’admettant la complexité et le caractère international de la question, la cour sud-africaine s’est arrogé une compétence juridictionnelle en contradiction avec les principes élémentaires du droit international. (…).

En vertu de toutes ces considérations, OCP et sa filiale Phosboucraa dénonce une décision purement politique et dénient à la cour sud-africaine toute légitimité à se prononcer sur le fond d’une affaire suivie au plus haut niveau international.

OCP et sa filiale considèrent que la cargaison saisie en Afrique du Sud est l’objet d’un acte de « piraterie politique » commis sous couvert judiciaire. Ils se réservent, en conséquence, toutes les voies permises par les règles du droit international pour faire valoir leur droit de propriété sur la marchandise concernée ».

Le groupe OCP indique donc clairement qu’il se réserve le droit de poursuivre pour recel de marchandise volée tout acquéreur de la cargaison, si elle venait à être proposée sur le marché par la justice sud-africaine. Et c’est précisément...

ce que la Haute cour d’Afrique du Sud vient de décider, bien que le Polisario se soit activé durant ces 10 derniers mois pour pousser son "avantage" et écouler le phosphate.

Las... La Haute cour de justice a également reconnu les droits de l'armateur du NM Cherry Blossom de recouvrer les frais d'immobilisation de son bateau à Port-Elizabeth depuis le 1er mai 2017. Ces frais devront être réglés sur le produit de la vente des 55.000 tonnes de phospates d'OCP, si tant est que le phosphate puisse trouver acquéreur, suite à la volonté du Groupe de poursuivre tout acheteur, forcément receleur du produit d'un acte de « piraterie politique ».

Confrontée à la même affaire en juin 2017 toujours, quand le Polisario avait contesté la propriété d’OCP sur un phosphate (d’OCP) transitant par un port panaméen, la justice de ce pays avait débouté le Polisario en déclarant qu’« une cour nationale (panaméenne) n’est pas la juridiction compétente pour se prononcer au sujet d’une affaire politique internationale. La Cour affirme par ailleurs qu’il n’y a aucune preuve démontrant que la cargaison appartient aux requérants ».

La question est donc très simple : Une cour nationale peut-elle connaître et juger d’une affaire examinée par les instances internationales, que son système judiciaire ait décidé ou non de s’octroyer la compétence universelle ? Si chaque justice de chaque justice de pays ayant des ports se met à juger de ce type d’affaires, ce ne serait plus de la navigation, mais du slalom hachuré entre ports « favorables », et d’autres, qui le sont moins… un non-sens, en plus d’être un déni de droit.

Voici pourquoi OCP a affirmé dans son communiqué de juillet 2017 que « l’action des requérants, consacrée par cette cour, fait par ailleurs peser une menace sur la liberté et la sécurité du commerce international ».

Cette affaire avait commencé en mai 2017, et avait été jugée le mois suivant, à l’ère de Jacob Zuma, et avant que ce dernier ne rencontre le roi Mohammed VI fin novembre à Abidjan. On pouvait considérer que la justice sud-africaine épousait les thèses du gouvernement de son pays. Aujourd’hui, Zuma est parti, et cette justice confirme son déni de la loi internationale à travers sa reconnaissance de la RASD comme Etat.

Une justice est certes indépendante, ou du moins on le croit, mais un pouvoir politique a toujours un moyen de prendre position. Sera-ce là un premier test-crash du nouveau président Cyril Ramaphosa concernant sa position sur l’affaire du Sahara et sa considération pour l’ONU et l’UA ? Il y a peu de chances.

Il reste donc à attendre la réaction d’OCP.

Aziz Boucetta

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