Mohammed VI en Zambie, une visite problématique ?

Mohammed VI en Zambie, une visite problématique ?

Le roi Mohammed VI sillonne l’Afrique depuis un mois et demi, avec de petites interruptions au Maroc. Rwanda, Tanzanie, Gabon, Sénégal, Sommet africain à Marrakech, Ethiopie, Madagascar, Nigéria… de mémoire de Marocain, on n’a jamais connu cela. Avant, on pensait que c’était uniquement pour le Sahara, mais aujourd’hui, on prend la mesure de la seconde nature, désormais  résolument africaine, du roi, qui s’apprête à se rendre en Zambie, dans un voyage qui pourrait être problématique.

Les médias zambiens (Zambiareports, Lusakatimes…) ont annoncé cette visite royale pour le weekend prochain, une semaine après l’audience accordée par le président Edgar Lungu au nouvel ambassadeur du Maroc, Saâdia Alaoui. Devant le très habituel silence de l’agence officielle MAP, on s’informe dans les médias des Etats à visiter, mais qui ne savent pas que lundi est jour de fête religieuse au Maroc, et une fête religieuse particulière en cela que le roi est descendant du Prophète, dont la fête commémore la naissance. Il serait difficile pour le chef de l’Etat de ne pas être au Maroc ce jour-là. Soit donc il ira à Lusaka pour une courte visite comme celle qu’il a effectuée en Ethiopie, soit ce voyage sera différé à plus tard dans la semaine.

Pour ce genre de visite, la discrétion règne... On se rappelle que pour son voyage au Nigéria, c'est le roi Mohammed VI lui-même qui l'a annoncé dans son entretien avec des médias malgaches... L'information officielle avait mentionné la visite en Ethiopie, "puis dans plusieurs pays africains frères"...

Par ailleurs, la Zambie présente la particularité d’être un pays où, semble-t-il, les chefs de l’Etat et de la diplomatie n’accordent pas vraiment leurs violons. Ainsi, un représentant permanent de la RASD a-t-il été officiellement reçu à Lusaka en février dernier, par le président Lungu (en fonction depuis moins d’un an) pour remettre ses lettres de créance. Le chef de l’Etat zambien lui a déclaré que « son pays a toujours soutenu le droit indiscutable du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance », rapporte un communiqué de la présidence.

Mais le 9 juillet dernier, le ministre des Affaires étrangères zambien Harry Kalaba a officiellement et solennellement déclaré à Rabat que «  son pays retire sa reconnaissance de la RASD et interrompt tous liens diplomatiques avec ladite entité ».

Or, voilà que le 7...

octobre, le président zambien a reçu le représentant du Polisario pour lui assurer la main sur le cœur que  « la Zambie reste engagée à renforcer les relations avec les Sahraouis pour le bénéfice mutuel des deux pays », ajoutant pour tempérer qu’il « continuera de favoriser les relations entre la RASD et le royaume du Maroc  et engager  ainsi les deux parties au conflit au dialogue dans le but de trouver une solution juste et définitive ». Splendide exemple de langue de bois diplomatique, mais sait-on jamais… Le président Lungu est imprévisible.

Et donc,  quelle que soit la date à laquelle le roi Mohammed VI se rendra à Lusaka, une visite du président Lungu est prévue en cours de semaine prochaine à Pretoria, en Afrique du Sud, lors de laquelle le président Jacob Zuma dressera les grandes lignes de la nouvelle politique africaine de l’Afrique du Sud, qui doit aider la Zambie à mieux et plus s’imposer sur le continent. Il est certain, connaissant l’hostilité de Zuma au Maroc et son inquiétude face à l’activité débordante de son roi, que la question du Sahara sera mise sur la table des négociations.

Le président Lungu est arrivé à la tête de l’Etat zambien un peu par bonne fortune, succédant au pied-levé à son prédécesseur Michael Sata, mort en cours de mandat. Elu, et mal élu en 2015, Lungu a été réélu en août dernier, face et malgré les contestations de l’opposition quia  crié au trucage. Il a répondu qu’ « il est prêt à sacrifier la démocratie à la paix ».

On attendra donc la visite royale en Zambie pour avoir une idée précise de ce qui se trame à Lusaka. Mais cette visite royale montre encore plus la témérité de cette nouvelle diplomatie de Mohammed VI, qui n’hésite plus désormais à aller sur des terres hostiles pour en amadouer les dirigeants, comme l’Ethiopie ou le Nigéria, et leur offrir des partenariats intéressants et mutuellement bénéfiques, afin de les attirer sur un terrain économique bien plus concret que les grandes envolées mélodramatiques, voire lyriques, des Algériens et des Sud-africains.

 Cela a réussi ailleurs qu’en Zambie, avec des dirigeants bien plus fermes et assurés que le président Lungu (nouveau à sa fonction), et cela a donc de fortes chances de réussir aussi en Zambie.

Aziz Boucetta

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