L’éducation entre l’esprit guerrier et la libre pensée,par le Dr Jaouad Mabrouki

L’éducation entre l’esprit guerrier et la libre pensée,par le Dr Jaouad Mabrouki

Il est triste de constater que l’éducation est encore majoritairement basée sur le principe de « hachouma » et pas sur celui du « respect ». Des méthodes archaïques sont toujours pratiquées comme la répression, la violence, la menace avec l’interdiction de penser différemment et de s’exprimer librement, la culpabilité et bien entendu l’interdiction de remettre en question toute chose, y compris la religion ou l’existence de Dieu, refusant catégoriquement la différence.

Il est tout autant triste de constater que ce modèle d’éducation engendre des individus brimés, étouffés, mal dans leur peau et de personnalité fragile, avec des pulsions de violence ou bien une timidité pathologique. Que la personne soit violente ou timide, elle cache en elle une autre personnalité non identifiée mais violente et meurtrière quelque soit le cas. Ne disons-nous pas ou n’entendons pas la formule « si je pouvais, je le (la) tuerais » dans les conflits de voisinages, de famille ou de travail ? N’entendons-nous pas une mère ou un père disant à son enfant « wallah si je t’attrape, je te tue » ? Non ce ne sont pas de simples paroles. Ce sont des pulsions de violence bien entretenues par notre système d’éducation.

L’éducation actuelle des enfants engendre  encore des individus instables, insatisfaits et souffrants de malaise interne, manquants de maturité émotionnelle, s’emportant facilement avec des crises de colère et de violence interne ou externe, cherchant constamment à être mieux ou comme l’autre.

Nous vivons un véritable drame dans la société où le conflit est nécessaire et la compétition est obligatoire dans les relations familiales, professionnelles et sociales. Nous sommes dans une société qui fonctionne avec le principe de « la survie psychologique » avec un esprit guerrier. Il est nécessaire de renverser la vapeur si nous souhaitons bâtir une société sereine et harmonieuse, renverser les bases actuelles de l’éducation, qui selon mes observations de psychanalyste sont dangereuses et criminelles.

L’éducation est en réalité l’outil qui nous permet de bâtir l’individu et la société et c’est à nous de faire le choix entre une société guerrière ou bien pacifique. D’un point de vue psychologique et spirituel,  l’éducation ne peut avoir qu’un seul objectif, c’est d’encourager l’enfant à révéler ses talents et potentialités et de l’aider à s’épanouir  afin d’être heureux, bien dans sa peau, authentique, sans masque et de l’accompagner afin d’être un bon citoyen.

L’éducation est de deux types, celle qui s’occupe du corps et de l’intellect, dont l’objectif est de permettre à l’enfant d’avoir un physique sain, à révéler ses capacités intellectuelles et à les développer. L’autre type de l’éducation est spirituelle, dont l’objectif est de révéler toutes les vertus divines déposées dans le cœur de chaque être humain, et elle peut révéler aussi les talents artistiques de l’enfant.

Mon concept de l’éducation est très simple mais complexe et oblige les parents à se remettre constamment en question afin de trouver les outils éducatifs adaptés à leur enfant. De façon générale, l’éducation doit être basée uniquement sur l’encouragement et tout ce qui relève de la violence physique, verbale ou psychologique sont interdites, comme le fait de comparer un enfant à un autre, de le mettre dans la compétition avec ses congénères, de l’insulter, de le frapper ou de le critiquer. Une fois que cette porte de violence sous toutes ses formes est fermée, nous pourrons réfléchir et développer les outils encourageants de l’éducation.

La liberté de la pensée est un des piliers de l’éducation et de l’équilibre de la personnalité de l’enfant. Celle-ci lui permet de s’exprimer librement, lui donne immédiatement de la valorisation, lui signifie qu’il a sa place dans la famille et dans la société et qu’il est une personne et non juste un...

enfant qui  « ne sait rien ». De même, elle lui permet d’exprimer ses pensées, lui donne confiance en lui et en ses parents et dans la société aussi, mais surtout c’est lui permettre d’analyser, de bien comprendre le sujet et de développer son propre raisonnement et par la suite ses propres convictions.

Par cette méthode nous amenons l’enfant à réfléchir de lui-même, de mûrir et de prendre de l’assurance en lui-même. En lui permettant de développer sa pensée librement il va pouvoir construire une personnalité solide et devenir un leader pour « lui-même » et développer son sens d’appartenance à la famille et à la société. Aussi, il va se sentir rapidement responsable et va définir de lui-même son rôle dans la famille ; il ne va pas exécuter des taches pour être apprécié par les parents mais parce qu’elles sont de son devoir. Ainsi, il sera un citoyen qui servira sa société par amour sans attendre des intérêts directs ou secondaires.

La liberté de la pensée et de son expression est la base de la communication et la garantie d’une meilleure relation avec autrui basée sur le principe du « respect ». Si nous respectons l’enfant en lui donnant le droit de réfléchir autrement et de s’exprimer librement avec respect, nous lui donnons ainsi la meilleure leçon du respect de l’autre. Si l’enfant est respecté dans sa famille et considéré comme une personne et non comme un « embryon d’adulte », sa devise dans les relations et dans la société sera aussi le respect. Nous apprenons alors à l’enfant que nous pouvons avoir des avis totalement différents sur le même sujet, mais que nous devons en même temps être respectueux et unis afin de réaliser « l’unité dans la diversité ».

Par cette pratique équitable et juste nous permettons aussi à la fille d’exprimer toutes ses pensées comme son frère le garçon et « tais-toi c’est hachouma » sera banni pour toujours. De ce fait, l’égalité des droits des deux sexes s’installent de manière naturelle sans aucun effort.

Un autre avantage de cette liberté de la pensée et de son expression est que, afin de ne pas être en contradiction et de donner le meilleur exemple de ce principe, le couple de parents sera obligé à son tour de remettre en question la relation du respect qui doit régner entre eux. Ainsi, ils seront obligés de consulter constamment, ce qui va les unir davantage et arriver à une relation harmonieuse.

Si les avis sont différents au sujet d’un projet familial, chaque membre petit et grand éclaire sa façon de voir et sa proposition en toute liberté et les autres apprennent à écouter avec bonne foi, et par la suite passer à un vote pour prendre la décision. Nous apprenons de manière saine et respectueuse à nos enfants à bâtir la société de demain avec cet esprit. L’enfant va intégrer progressivement que nous sommes tous différents, que nous  pouvons ne pas avoir la même opinion et que nous ne devons pas imposer une vision aux autres car cette différence est naturelle ou plutôt est une richesse étant donné que nous ne sommes pas des robots programmés avec le même logiciel.

Ainsi, nous verrons l’aube de la coexistence entre tous les membres de la famille, dans cette société miniature, chacun respectant la pensée et l’avis de l’autre. Que nous soyons tous d’accord ou non, nous serons nourris par les liens qui nous unissent et sont beaucoup plus forts que la pensée de l’autre, nous nous attacherons plus à « la liberté » de la pensée qu’au contenu de la pensée elle-même, et nous nous retrouverons ensemble à partager le même repas, unis par l’harmonie des parents, unis par le désir du bien être de la famille.

Et ce sont ces enfants qui veilleront demain au bien-être du pays.

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