Sahara – Le temps d’une grande conférence nationale est peut-être arrivé, par Aziz Boucetta

Sahara – Le temps d’une grande conférence nationale est peut-être arrivé, par Aziz Boucetta

Depuis que la résolution 2285 est passée, l’ensemble des commentateurs, analystes et éditorialistes nationaux sont unanimes sur un point, en l’occurrence celui de consolider le front intérieur, pour mieux affronter les affronts extérieurs faits à l’intégrité territoriale du Maroc. Or, jusqu’à aujourd’hui, l’opinion intérieure a toujours été abreuvée d’informations présentées comme des évidences, alors même qu’une adhésion raisonnée doit être affichée ici, pour mieux convaincre raisonnablement ailleurs. Et donc, à situation exceptionnelle, des actions exceptionnelles doivent être prises. Parmi elles, une conférence nationale sur le Sahara.

Le front diplomatique. Les affaires extérieures sont partout et depuis toujours l’apanage du chef de l’Etat. Le Maroc ne déroge pas à la règle. Cela doit le rester, et le restera. Depuis quelques mois, cependant, on constate un regain d’activité, et un changement de qualité, de notre diplomatie. Des dizaines d’ambassadeurs ont été désignés, (presque tous) triés sur le volet, un nouveau ministre – produit de la maison – est venu renforcer les deux autres, peu au fait des arcanes diplomatiques, malgré leur bonne volonté.

Et le roi est à la manœuvre, reconfigurant le positionnement géopolitique du Maroc, multipliant les visites dans les capitales qui comptent (Europe, Asie, Afrique) et accumulant les partenariats stratégiques.

Le palais. Il est donc sur tous les fronts extérieurs mais, dans ses derniers discours, le roi Mohammed VI a clairement indiqué que l’affaire du Sahara est celle de tous les Marocains. L’intégrité territoriale n’est donc pas, n’est plus, l’affaire du seul palais royal.

Discours du 6 novembre 2015 : « Il nous échoit à tous le devoir de promouvoir le développement de nos provinces du Sud (…) et de défendre l’intégrité territoriale du pays, avec le même esprit d’engagement et le même sacrifice qui ont caractérisé la Marche Verte ».

Discours au Sommet Maroc-Conseil de coopération du Golfe (20 avril 2016). « Le dossier du Sahara est l’affaire de tous les Marocains, et non seulement celle du palais royal ».

Fort bien, le message est donc clair. Le roi doit pouvoir s’appuyer sur une opinion publique engagée, de préférence sa partie intellectuelle qui a la connaissance des choses et qui sait développer l’argumentaire adéquat. Au lieu d’une marche de 3 millions de personnes, a-t-on dit, une grande conférence nationale de quelques centaines d’intellectuels ferait tout aussi bien, et certainement mieux. L’objectif n’est pas tant de débattre en interne de la marocanité du Sahara mais plutôt, et surtout, de combattre l’hostilité externe face à cette question, fortement et agressivement alimentée par l’Algérie.

Pourquoi une conférence nationale ? Parce que, selon un diplomate bien au fait de ce dossier, « il faut protéger les arrières du roi en renforçant son front intérieur, pendant qu’il est en pointe, à l’extérieur ». Cette réflexion est confirmée par un autre diplomate, en poste à l’étranger, qui explique que « le Maroc n’est certes pas encore un pays émergent, mais il le deviendra dans un horizon de 5 ou 10 ans. Or, sachant le positionnement de tous les nouveaux émergents dans leurs sous-régions respectives et les problèmes qu’ils créent aux grandes puissances, ces dernières veulent donc préventivement affaiblir le Maroc. Comment ? En l’attaquant sur son point faible, le Sahara ». Et les attaques se multiplient également contre la personne du roi, que l’on œuvre à présenter ici et là comme seul défenseur...

de la marocanité du Sahara car il y irait de son intérêt personnel et monarchique. Nous savons, ici, au Maroc, que la vérité est ailleurs et que la quasi unanimité des Marocains sont attachés au Sahara.

Il est donc utile que, au-delà des marches et manifestations « spontanées », peu convaincantes à l’international, on réfléchisse à une conférence nationale impliquant des universitaires, des historiens, des anthropologues et autres sociologues. Ces personnalités discuteront du Sahara, collecteront les données, développeront les arguments, organiseront les rencontres avec leurs homologues extérieurs, sur les 5 continents, axeront leurs actions sur les pays qui comptent, sur lesquels on doit compter et qui montrent à intervalles réguliers que, finalement, on ne peut pas vraiment compter sur eux. Rappelons, en effet, que pour la dernière résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara, seule la France parmi les 5 permanents s’est véritablement et massivement rangée à nos côtés. On imagine ce qu’aurait été cette  résolution si cela n’avait pas été le cas.

Pourquoi des universitaires ? Parce que, au-delà de l’argumentaire politique et économique, il faut articuler les réflexions sur les aspects historiques, anthropologiques et sociologiques de la marocanité du Sahara. Ainsi, un travail d’historien reste à mener par exemple pour infirmer la conclusion du fameux arrêt de la Cour internationale de Justice de la Haye de 1975 lequel, s’il reconnaissait les liens d’allégeance entre les tribus du Sahara et l’autorité centrale du Maroc, affirmait qu’il n’existait en revanche pas de liens de souveraineté affermis. Ce qui est faux.

Sur les plans sociologique et anthropologique, il apparaît également que des liens très forts unissent les Sahraouis et les Imazighen marocains. Des liens familiaux et culturels existent et ne demandent qu’à être établis scientifiquement, au regard de la communauté internationale. D’où l’intérêt de travaux internes qui seraient partagés avec les différents acteurs étrangers.

Qui doit initier et mener cette conférence nationale ? La société civile et académique, qui s’autosaisirait, et apporterait les arguments historiques, confirmerait les liens sociologiques et établirait les convergences anthropologiques. Cela aurait bien plus de crédibilité si les autorités publiques n’interviennent pas dans cette conférence, mais elles y gagneraient par contre des arguments… les mêmes arguments sur lesquels s’appuieraient les différentes composantes de la société civile marocaine, toutes corporations professionnelles et catégories sociales confondues (ordres professionnels, jeunes, femmes, patronat, associations…) qui voyageraient et multiplieraient les contacts avec leurs homologues étrangers afin d’inverser les opinions publiques occidentales.

Une telle conférence pourrait, devrait même, inviter les représentants des différentes chancelleries étrangères installées au Maroc. Les diplomates affectés au Maroc auront alors des rapports à établir pour leurs capitales, qui sauraient ainsi la réalité des choses et seraient davantage convaincues de la position de Rabat.

C’est donc en se fondant sur une telle conférence nationale de la société que l’Etat pourrait avancer ses atouts, économiques (potentiel d’investissements, ouverture sur l’Afrique…), politiques (stabilité institutionnelle d’un pays situé aux portes de l’Europe), sécuritaires (l’efficacité de la lutte anti terroriste et contre les migrations massives), religieuses (un islam tolérant à une époque où l’islam pose problème), militaires (présence sur plusieurs fronts onusiens)…. Face à une telle démarche, les dizaines de millions de dollars et l’activisme diplomatique algériens ne pourront plus rien, ou beaucoup moins, pour dresser les chancelleries étrangères contre le Maroc. Et la diplomatie marocaine pourrait alors mieux se déployer, et même rayonner.

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