Ces gens qui disent que la sécheresse est un châtiment de Dieu, par Sanaa Elaji

Ces gens qui disent que la sécheresse est un châtiment de Dieu, par Sanaa Elaji

Pleuvra, pleuvra pas ? Peut-être que oui, peut-être que non… On est loin du « dancing in the rain », de jouer, de jouir et de se réjouir des ondées qui nous inondent et nous abreuvent… Cette année 2016, le ciel semble s’être rebellé contre la terre, les hommes et les bêtes.

Au Maroc, nous avons des gens extraordinaires qui nous créent et nous servent des fables peu ordinaires, certains imams considérant en toute simplicité, et en y croyant dur comme fer, que cette sécheresse qui nous frappe serait, donc, due à l’extension de la corruption parmi nous et aux mauvaises actions répétées des hommes.  Et bien évidemment, nous pouvons ajouter à cela une autre cause, à savoir les tenues légères des filles… ne dit-on pas en cas de malheur « cherchez la femme ! » ? Et donc, nous pouvons extrapoler en disant que « la sécheresse est là ? Cherchez aussi, encore et toujours, la femme ! ».

Le site Hespress a repris des prêches prononcés dans plusieurs mosquées du royaume la semaine dernière. Il est important de s’arrêter quelques instants sur ces sermons qui montrent bien la manipulation des gens et de leurs esprits, des croyants et de leur foi. Morceaux choisis : « Le malheur qui nous frappe a pour cause les mauvais comportements des gens qui n’appliquent pas les lois de Dieu », « commettre des péchés éloigne les bienfaits de Dieu, suscite sa colère et alors l’ire divine s’abat sur les hommes et les privent de tant de choses, dont la pluie », « ce qui nous arrive doit nous conduire à adorer encore plus notre Créateur et à le supplier de nous prémunir contre les malheurs et les fléaux », « le manque de pluie s’explique par les agissements de tant de personnes qui font si peu de cas des enseignements de notre religion et des valeurs morales qui doivent être les nôtres ».

Bien entendu, cette ignorance n’est pas une exception marocaine. En Egypte et en Arabie Saoudite, nous avons aussi entendu des imams tenir des propos similaires. « Les mauvais agissements nous apportent la sécheresse »… et que la science aille au diable !... ou à la sécheresse, puisque Dieu nous punit par la pluie, ou plutôt le manque de pluie.

Pour le croyant lambda qui part à la mosquée faire sa prière, ce genre de vérités assénées deviennent des réalités, des assurances… et personne ne se pose des questions, aussi simples soient-elles, aussi claires que celle-ci : « Si la sécheresse qui s’est abattue sur nous est le fait de nos mauvais comportements, cela signifie-t-il que dans les pays occidentaux, où il pleut en abondance ou au moins suffisamment, les gens se comportent mieux que sur nos terres ? Faudrait-il donc que nous prenions les populations de ces pays comme un exemple ? ». Mais non, pour ces gens-là, les Occidentaux, il y aura toujours des imams qui nous affirmeront qu’ils sont mécréants, qu’ils sont pervertis, et ces imams prieront le Très-Haut de faire veuves leurs femmes et orphelins leurs enfants. Car, en fait, diront nos...

prédicateurs, si Dieu les comble de ses bienfaits, c’est pour mieux les distraire et les dévier du droit chemin, afin de mieux les punir dans l’au-delà.

Fin de la discussion, mort de la réflexion et disparition totale de toute forme de logique ou de rationalité…

Et une autre question arrive à l’esprit : « Quand, par exemple, l’année dernière, nous avions eu une bonne, une très bonne pluviométrie (qui a même occasionné dans certains endroits des inondations mortelles), nous commettions moins de péchés que cette année présente ? ». Souvenons-nous, l’année dernière, le chef du gouvernement était allé jusqu’à lier la pluie à l’amour de Dieu pour notre patrie et, aussi, pour son parti, le PJD. Voilà, et encore une fois, que l’esprit sain et la réflexion saine aillent prospérer ailleurs…

Nous trouverons toujours, bien malheureusement, de telles explications, stupides, il faut le dire, pour expliquer les catastrophes ou fléaux naturels, inondations ou sécheresse, tremblements de terre ou autres… La pluie tombe ici parce que Dieu aime tout particulièrement le PJD et la pluie tombe en Europe car Dieu veut distraire les non croyants en leur faisant accroire à une prospérité ici-bas pour mieux les punir après. La sécheresse en nos contrées est l’expression d‘une colère de Dieu pour les mauvais comportements de ses créatures, mais rien que pour cette année, car la réflexion est aussi saisonnière que le châtiment. Et aux USA aussi, la tempête qui s’est abattue sur Washington doit être une colère divine…  Rppelons-nous qu’en 2004, suite au séisme qui avait secoué l’Indonésie et la Thaïlande, certains de nos ministres actuels avaient affirmé que c’était là un châtiment de Dieu pour la prostitution généralisée en ces contrées.

On ne peut laisser prospérer ces affirmations eschatologiques dans l’esprit des gens. La logique doit reprendre ses droits et on ne doit pas laisser les croyants penser que Dieu les punit par l’abondance ou le manque de pluies, par le séisme ou autre catastrophe du genre. On ne doit pas expliquer aux gens des choses contradictoires telles que Dieu nous châtie cette année par l’inondation, et nous châtie encore, l’année d’après, par la sécheresse. On ne doit pas laisser penser que cette année, nous nous sommes  bien comportés mais que l’année suivante, non… que les agissements des gens changent d’une année à l’autre. On doit dire que la géographie de la pluviométrie ne doit rien à la foi ou à la piété ici ou là. On doit montrer aux croyants que les fléaux type séismes ou inondations ou sécheresse ont des explications scientifiques et ne doivent rien à un comportement social sain ou à des attitudes malsaines.

Mais si, à l’inverse, nous ne disons pas cela, si nous ne privilégions pas la logique, la rationalité et l’intelligence, si nous laissons exploiter la foi et prospérer l’ignorance… alors nous continuerons de récolter les fruits de cette ignorance, avec les résultats que nous savons. Et alors, nous pourrions nous interroger sur l’origine de cet extrémisme de la pensée, et nous répondrions, « la pluie, mon brave ! »…

Al Ahdath al Maghribiya

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