Affaire Ali Lmrabet : qui de l’Etat ou du journaliste tiendra parole ?...

Affaire Ali Lmrabet : qui de l’Etat ou du journaliste tiendra parole ?...

Ali Lmrabet a été condamné voici 10 ans à 10 ans d’interdiction d’exercer son métier de journaliste. Mais comme le temps passe, et passe vite, la décennie est écoulée, et voilà qu’Ali entreprend de constituer son dossier pour lancer un magazine satirique du genre de celui qu’il dirigeait et qui lui avait valu la condamnation. Seulement voilà, les autorités publiques s’inquiètent du projet et le journaliste est teigneux. Il a entamé une grève de la faim, à Genève, et le bras de fer est engagé. Mais une solution se profile à l’horizon.

Origine de la crise

Ali Lmrabet est coutumier du fait. En 2003, il avait déjà observé une grève de la faim de 50 jours pour protester contre sa condamnation à une peine de prison ferme. Il avait bénéficié d’une grâce royale mais en garde toujours des séquelles. Puis, en 2005, il avait été condamné à 10 ans d’interdiction d’exercer son métier. Ils sont aujourd’hui écoulés.

Quand il a demandé un certificat de résidence, les autorités publiques de Tétouan le lui ont refusé, arguant du fait qu’il ne résidait pas à l’adresse indiquée, celle de son père en l’occurrence. Et le rapport de force s’engage, mettant aux prises une puissance publique qui porte bien son nom et un journaliste engagé qui sait se montrer aussi enragé.

Crise

Il prend ses valises, s’en va à Genève, ville des Nations-Unies et des droits de l’Homme, et y entame une grève de la faim, étant sûr de la visibilité qu’il s’est ainsi donnée. L’Etat marocain, surpris – alors qu’avec Lmrabet il n’aurait pas dû l’être – multiplie alors les déclarations et les affirmations, dans tous les sens, comme celle de l’ambassadeur du Maroc à Genève Mohamed Aujjar qui a invité Lmrabet à entrer au pays pour défendre ses droits devant un tribunal marocain. Une balle de smash servie par le diplomate au journaliste qui frappe, car n’ayant eu que des ennuis avec les juges marocains et nourrissant des doutes quant à leur impartialité. Dans l’intervalle, en 10 ans, les juges ont un peu changé mais Lmrabet n’a pas changé. On va alors vers l’impasse.

Et c’est au tour du ministre de l’Intérieur de prendre la parole… Droit dans ses bottes, voici deux jours, le ministre...

de l’Intérieur a été on ne peut plus explicite et direct : « La loi est claire. (Le certificat de résidence) ne peut être délivré à un citoyen que s'il prouve avoir habité au moins trois mois durant la dernière année à l'adresse figurant sur sa demande. Le problème est qu’Ali Lmrabet veut obtenir quelque chose d'illégal (…) ; mais nous sommes en période électorale et le lieu de résidence représente un enjeu de taille. En effet, si on se met à délivrer des certificats de résidence à tort et à travers, on  risque de faire chuter le système électoral », a souligné Mohamed Hassad. Il est bien fragile, ledit système…

Sortie de crise

Et le ministre de conclure, ouvrant une porte, que le journaliste gréviste de la faim – et dont le site demainonline n’a jamais été censuré, précise Hassad à toute fin utile –  « peut obtenir en trois jours un nouveau passeport auprès du consulat du Maroc à Barcelone où il réside ». S’il fait cela et qu’il réside trois mois chez son père, ou à une toute autre adresse pour laquelle il demanderait un certificat de résidence, il obtiendrait satisfaction.

Le comité de soutien d’Ali Lmrabet a convaincu ce dernier que rien ne sert de mourir, il faut pâtir longtemps… et surtout savoir agir. Puisque le ministre de l’Intérieur ouvre une porte, semble avoir pensé le comité du journaliste, alors engouffrons-nous dedans et prenons-le au mot.

Ali Lmrabet a donc mis fin à sa grève de la faim de 34 jours et attend de recevoir son passeport pour entrer au Maroc et s’y installer. Trois mois au moins…

Crise(s) à venir

Si les pouvoirs publics continuent d’agir ainsi avec ce journaliste d’un genre particulier, prêt à mettre sa vie en jeu pour ses idées, quelles qu’elles soient et bien qu’on n’y puisse pas souscrire, on pourrait s’attendre à d’autres bras de fer. Que faire ?

Le laisser dire ce qu’il veut… La loi est là pour s’appliquer, et les réseaux pour (éventuellement) répliquer, et le Maroc a quand même évolué. Si les pratiques et réflexes d’un autre âge résistent encore et toujours à l’esprit de la loi et à sa lettre, l’Etat marocain y perdrait bien plus en empêchant Lmrabet de s’exprimer qu’en le laissant.

AAB

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