(Billet 1057) – Le Maroc aux JO : ‘l’important est de participer’, pas de se ridiculiser
Dix jours après le début des Jeux Olympiques de Paris, les 60 athlètes ont engrangé 0 médaille. Le constat est rude et il conduit à s’interroger sur notre politique sportive. Mais avons-nous une véritable politique de sports ou bien simplement un département ministériel amarré à l’Education nationale ? Si pour les JO l’important est de participer, plus important encore est de ne pas se ridiculiser (à quelques exceptions près). Voici un an, le roi Mohammed VI appelait au « sérieux », mais on peut douter qu’il ait été entendu dans le domaine sportif !
A examiner la délégation olympique marocaine, on apprend que la discipline pour laquelle nous avons le contingent le plus costaud (hors le foot, sport collectif) est l’athlétisme, avec 18 sportifs. En boxe, en golf et en skateboard, nous n’avons semble-t-il pas d’hommes au Maroc qui pratiquent ces sports à haut niveau. Nous avons des dizaines de parcours de golf mais nous n’avons qu’une dame qui sait le pratiquer à un niveau olympique. Nous avons 3.500 km de côtes mais nous n’avons produit que deux nageurs de haut niveau, équitablement répartis en matière de genre…
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Le Maroc n’a rien fait, ou très peu, ou très mal, en matière de sport et cette mauvaise politique est particulièrement mise en relief par le succès planétaire de notre football : hors le foot et les individualités, rien. Le Comité national olympique marocain, ou CNOM, compte des dizaines de fédérations, dotés de beaucoup de moyens, mais qui affichent toujours des résultats moins que moyens.
Un membre fondateur du CNOM et détenteur de la médaille d’argent de l’Ordre olympique, Omar Boucetta, avait dit voici quelques années : « 3.500 km de côtes et presqu’aucun nageur, 36 millions de personnes mais aucun qui court très vite, qui lance une pierre le plus loin possible, qui sait faire de la gymnastique convenablement, ou qui tire bien !! Qu’avons-nous fait tout ce temps ? ». Réponse : Nous avons attendu qu’il y ait des individualités comme Saïd Aouita, Nezha Bidouane ou Hicham el Guerrouj en matière sportive, Aziz Daouda ou Nawal el Moutawakkel dans le domaine de l’encadrement technique et de la politique sportive. C’est tout ? C’est tout.
Dans un récent statut Facebook, le journaliste Abdellah Tourabi explique ne pas comprendre cette déception des Marocains face à la contre-performance de leurs athlètes à Paris, sachant que « nous ne sommes pas une nation de sport, où le sport serait partie intégrante à la culture du pays » ; pas de piscines, pas de surfaces de jeux collectifs, pas d’entraînement ni de sélection de jeunes… Pour Abdallah Tourabi, il ne faut pas s’étonner de la contre-performance, voire pas de performance, des Marocain(e)s. Vraiment ? Regardons les chiffres officiels du HCP sur les installations sportives dans le pays.
Le Maroc disposait en 2021 de 596 centres socio-sportifs de proximité intégrés ou CSSPI (contre 251 en 2016), 170 terrains de gazon synthétique (65 en 2016), 179 salles omnisports, 34 piscines couvertes et autant de pistes d’athlétisme, en régression par rapport à 2016 quand le royaume disposait de 44 de ces pistes. Quant aux dizaines de fédérations, toujours selon le HCP, elles regroupent 378.000 adhérents, 3.600 clubs et 199 ligues. Pour 0 médaille !
Tout ces équipements, ces associations, ces clubs, ces terrains coûtent des milliards de DH au Maroc, et 0 médaille. Et cela ne date pas d’aujourd’hui ! Depuis son indépendance et la création de son CNOM, le Maroc a remporté 24 médailles aux Jeux Olympiques : 20 en athlétisme et 4 en boxe… autant que la Corée du Sud en 10 jours de Jeux à Paris ! Les athlètes d’hier et d’aujourd’hui ont fait ce qu’ils ont pu et qu’ils en soient remerciés, mais les responsables ne font pas ce qu’ils doivent.
Et pourtant… la Constitution, en son article 26 (dans le Titre II, Libertés et Droits fondamentaux), dispose que « les pouvoirs publics apportent, par des moyens appropriés, leur appui (…) à la promotion du sport », et le roi Mohammed VI, en 2008 déjà, avait adressé une lettre au monde du sport où le souverain dit, en substance, ceci : « On ne saurait atteindre l’objectif de promouvoir le sport, qu’en dépassant les dysfonctionnements qui le pénalisent (…). Parmi les manifestations les plus criantes de ces dysfonctionnements dans le paysage sportif, l’on observe que le sport est en train de s’enliser dans l’improvisation et le pourrissement et qu’il est soumis par des intrus à une exploitation honteuse pour des raisons bassement mercantilistes ou égoïstes ». Il faut relire cette lettre, et surtout les dirigeants en charge du sport
Aujourd’hui, avec les JO de Paris, les Marocains sont déçus, comme d’habitude, et comme d’habitude, ils seront gentiment amers, aimablement critiques et puis s’en iront sereinement vaquer à leurs occupations. En un mot, ils sont indifférents et c’est la prie des attitudes possibles, car les mêmes personnes aux mêmes fonctions, avec les mêmes résultats que toujours, ne pourront rien apporter au sport national…
…mais qu’ils sachent, eux et ceux qui les élisent à leurs fonctions, qu’un Maroc aspirant à l’émergence ne peut pas prétendre à grand-chose sans posture sportive internationale. Il n’est pour s’en convaincre qu’à regarder ce qu’est parvenue à faire notre équipe de football au Qatar et en France et ce qu’en ont gagné les Marocains comme notoriété, intérêt du monde et liesse populaire.
Pourquoi la reddition des comptes (et on ne parle même pas des comptes financiers mais seulement des résultats sportifs) ne concerne-t-elle pas le sport ? Pourquoi les partis politiques ne s’intéressent-ils pas, mais alors pas du tout, au sport ? Que font les maires et les mairies pour identifier, sélectionner et accompagner les champions en herbe parmi les plus jeunes ? Le ministère de l’Education nationale, en charge du Sport, et celui de l’Enseignement supérieur, ont-ils conçu ou même simplement pensé à une politique de recherche et sélection de talents sportifs ?
Dans l’attente de réponses à ces questionnements, contentons-nous de nous régaler du spectacle de ces JO dont le réinventeur Pierre de Coubertin avait dit que l’important est de participer. Nous le prenons au mot, mais « moins vite, moins haut, moins fort » que les autres…
« Nous méritons mieux », disaient-ils…
Aziz Boucetta