(Billet 613) – Une diplomatie au féminin

(Billet 613) – Une diplomatie au féminin

La diplomatie est un mot féminin certes mais c’est encore mieux quand elle fait intervenir des femmes. La diplomatie marocaine, longtemps masculine, atone et dépassée par celle de nos voisins, est aujourd’hui en ordre de marche, voire en ordre de bataille. Professionnelle, polyglotte, aguerrie, constamment en veille, la diplomatie marocaine est également de plus en plus féminine, assez pour le relever et, accessoirement, s'en féliciter.

Lorsque, voici près de deux ans, l’ancienne et aussi efficace que compétente directrice de la communication et de la diplomatie publique Chafika el Habti avait quitté son poste d’une manière plutôt inattendue, voire tendue, le ministre Nasser Bourita avait été attaqué sur ce qui serait une forme de misogynie masquée. Il n’en est rien, puisque la présence féminine est de plus en plus marquée au sein de ce département aussi stratégique que névralgique.

Et de fait, de plus en plus de noms féminins se dégagent et se distinguent, et pas uniquement en raison de leur genre. Les ambassades de Madrid et de Berlin sont ainsi tenues par des femmes, respectivement Karima Benyaich et Zohour Alaoui… toutes deux actuellement à Rabat, mais ceci est une autre histoire. La représentation diplomatique marocaine à Washington est dirigée par Lalla Joumana Alaoui qui, avant de s’envoler chez l’Oncle Sam, était en fonction auprès du gouvernement de sa Gracieuse Majesté à Londres. Et au Canada, Soraya el Othmani est en charge du réchauffement de nos relations avec ce pays du froid. Quant aux ambassadrices du Maroc chez les Scandinaves, ce sont presqu’exclusivement des dames, et on trouve également une femme (et quelle femme !) au secrétariat général du ministère des Affaires étrangères, en l’occurrence Mounia Boucetta.

Quant à celles qui doivent partir pour rejoindre leurs capitales, on retiendra les noms de Nabila Freidji en Norvège, qui vient de l’extérieur du ministère, et plus précisément du monde des affaires et de la CGEM, et aussi de Bouchra Boutchiche, actuellement directrice Amériques au ministère, et qui doit partir au Panama. Toutes deux auront une mission difficile, puisque la première doit convaincre les Vikings du bien-fondé de notre intégrité territoriale et que la seconde ira croiser le...

fer avec les ombrageux séparatistes qui sévissent dans la zone Amérique latine, y perdant pied mais s’y accrochant des mains et des pieds.

Aujourd’hui, c’est la diplomatie parallèle qui se féminise aussi. Ainsi, depuis la lointaine fonction de Mbarka Bouaida à la tête de la commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale, des Affaires islamiques et des MRE, voilà que les deux Chambres du parlement portent chacune une femme à la tête de cette commission.

Si Nadia Bouaida, nièce de sa tante, est plutôt jeune et inexpérimentée, elle affiche une tête bien faite. Polyglotte, diplômée de commerce international à Londres et originaire des provinces du Sud, elle sera soutenue pour accomplir sa tâche dans les meilleures conditions à la Chambre des représentants. Concernant la nouvelle présidente de la commission des AE et de la Défense nationale à la Chambre des conseillers, Neila Tazi, elle arrive avec et après un parcours impressionnant. Américaine de naissance, elle dispose d’un carnet d’adresses long comme les griefs algériens à notre égard, ce qui n’est pas peu dire… Fondatrice et directrice du Festival Gnaoua, Musiques du monde, elle est habitée par la culture, dont elle a été élue à la Fédération au sein de la CGEM, et elle est aussi  présidente du Chapitre marocain du Réseau des parlementaires sur la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Les deux femmes, il faut le souligner, auront également en charge les aspects législatifs concernant l’armée, cette Grande Muette qui devra bien leur parler, avec ses généraux visibles et ses héros plus discrets… En outre, avec elles, l’une au bord du Potomac et l’autre sur les rives de la Tamise, notre cause nationale serait plus visible et sûrement plus offensive auprès de nombreux parlementaires anglosaxons souvent irascibles et toujours mal informés.

Avec une telle armée d’Amazones au service de la diplomatie, le ministre Nasser Bourita est bien… armé, pour affronter les (de plus en plus) nombreux adversaires du royaume. Une diplomatie parallèle, féminine, engagée et engageante, aux côtés des équipes professionnelles, est certainement la meilleure des choses qui pourrait arriver au Maroc pour mieux asseoir son image à l’international.

Aziz Boucetta