(Billet 597) – Cette élection que nos « partenaires » ne comprennent pas…

(Billet 597) – Cette élection que nos « partenaires » ne comprennent pas…

Avec un petit zeste de condescendance, les pays européens toisent le Maroc qui sort de ses élections générales. Les médias du Vieux continent, quand ils s’y sont intéressés, ne retiennent de ce scrutin que la débâcle des « islamistes », naturellement, le triomphe du parti du « milliardaire » Akhannouch, forcément, en plus bien évidemment des quelques « irrégularités » relevées ici et là. Réducteur, très, car les choses sont plus complexes…

Ce petit Maroc, donc, vient pourtant d’achever un cycle politique important et s’apprête à en entamer un autre, tout aussi important, mais différent… Pour comprendre les choses, il faut les situer dans leur contexte, car ces élections et la nouvelle équipe dirigeante sont à placer dans la continuité de la politique étrangère du pays. En effet, depuis quelques années, le Maroc se redéploie et s’adapte aux nouvelles réalités géopolitiques.

Aujourd’hui, il s’est donné les moyens de figurer en bonne place dans cette nouvelle donne, que l’on peut globalement résumer ainsi : l’Europe recule et s’érode sur l’échiquier mondial, l’Afrique compte de plus en plus, et les Américains et les Chinois se livrent une compétition mondiale, dans laquelle les nations du monde doivent s’insérer.

Le Maroc, vieux pays à la diplomatie rodée et expérimentée, cherche sa place, et semble l’avoir trouvée, en Afrique et avec les deux Grands, en plus de sa reprise des relations avec Israël, et quelle reprise !... Il lui faut donc une équipe gouvernementale aguerrie, composée de membres qui comprennent ce que signifie la mondialisation et surtout ce que ne signifie plus l’Europe, plongée dans ses incertitudes et rognée par ses contradictions.

Le gouvernement à venir devra donc servir une machine diplomatique parfaitement formée et mise en ordre de marche, voire de combat, depuis plusieurs années. Les ministres seront majoritairement RNI, un parti sans doute peu politique, mais très économique et encore plus entrepreneurial, si l’on en croit les profils actuels qui seront soit maintenus soit remplacés par d’autres, similaires ou meilleurs, formés dans les écoles anglosaxonnes.

L’avantage de cet équipage est qu’il ne répond plus à l’amarrage européen en général, français en particulier, aux conditions d’avant, comme avant. Il voit plus loin et brasse plus large, et l’Afrique...

n’a désormais plus que peu de secrets pour lui. Avec ce nouveau gouvernement, et quelle que soit la configuration retenue pour le composer, les idéologies seront derrière et les « relations naturelles » seront encore plus en arrière.

L’avenir du Maroc, c’est aujourd’hui l’axe Washington-Londres-Tel Aviv, un axe de business et de pragmatisme, sur la base du win-win, chacun apportant ce qu’il sait faire de mieux, et le Maroc dispose de bien des atouts que les Européens ne veulent, ni ne peuvent, comprendre, submergés par leur passé et les comportements qui vont avec. En un mot, comme en cent, les Anglo-saxons, c’est l’avenir, et l’Europe, les souvenirs.

En outre, il est intéressant de noter que l’ambassade US a félicité le Maroc pour l’organisation des élections, dès le mercredi 8 septembre au soir, et celle de Sa Gracieuse Majesté le lendemain, pendant que nos « partenaires » européens traditionnels regardaient ailleurs… Et jusqu’au Japon, si éloigné et en même temps si proche, qui a manifesté sa sympathie pour le Maroc, le 9 septembre…Et il est tout aussi intéressant de relever les références décomplexées des deux représentations diplomatiques anglosaxonnes à leur histoire commune avec le Maroc, une histoire faite globalement de respect et de considération mutuelles… Chacun analysera cela comme il le voudra.

L’inconvénient d’un gouvernement de technocrates est qu’il est peu politique, dans le sens traditionnel du terme, mais son avantage est qu’il pourrait être terriblement efficace sur le plan économique. Les Marocains en attendent du réalisme et du pragmatisme, pour secouer les derniers vestiges du 20ème siècle et s’arrimer résolument au 21ème siècle.

Relisons ce passage du dernier discours royal du 20 août : « Ils ([quelques pays, notamment des pays européens comptant, paradoxalement, parmi les partenaires traditionnels du Maroc] ne veulent pas admettre que les règles du jeu ont changé, que, désormais, nos pays sont totalement aptes à gérer leurs affaires, à mettre en valeur leurs ressources et leurs potentialités, dans l’intérêt bien compris de nos peuples ».

Il appartiendra donc au prochain gouvernement Akhannouch d’intégrer, de mettre en place et d’exécuter ces nouvelles « règles du jeu », avec ses anciens partenaires, s’ils le veulent, et les nouveaux, qui le veulent !

Aziz Boucetta