(Billet 567) – L’inconséquence des partis politiques marocains face au PJD

(Billet 567) – L’inconséquence des partis politiques marocains face au PJD

Au Maroc, sur la scène politique, il faut se rendre à l’évidence… Il y a le PJD, et il y a les autres. C’est aussi vrai que voici quelques années, il y avait eu Abdelilah Benkirane, et puis les autres. Et ce qui apparaît aujourd’hui, malgré les us, les rictus et l’habitus, c’est un sérieux antagonisme entre le PJD et les autres partis, tous les autres, même le PPS. Or, ces formations font aujourd’hui, sciemment ou inconsciemment, le lit d’une victoire/reconduction du PJD pour un 3ème mandat.

Le corps électoral est ainsi fait dans ce beau royaume qu’il donne le sentiment d’être partagé en deux catégories d’électeurs, ceux du PJD et les autres. Imaginons ces deux catégories comme des vasques… le parti de Saâdeddine Elotmani puise dans l’une des deux et il y puise seul, et les autres formations se bousculent pour récupérer le maximum de suffrages de l’autre.

En effet, l’électorat du PJD est homogène et stable. Le parti dispose d’un matelas de votants, que certains fins connaisseurs estiment à un effectif oscillant entre 600.000 et 1.000.000 de personnes. Elles et eux vont toujours voter pour leur champion ; l’abstention, ils ne connaissent pas, pas plus que le vote sanction. Ils vont voter pour le PJD, 3ala barakati Allah, et advienne que pourra ! Les autres électeurs de ce parti sont les classes moyennes, un peu plus ou un peu moins, qui voient un quelconque intérêt à lui accorder leur confiance, en afflux ou en reflux, selon la conjoncture et certaines conjectures.

Ainsi, en 2011, le slogan anti-corruption avait fait bingo et le PJD, en tirant ce bon numéro, avait raflé la mise ! Les gens étaient plus que mortifiés par la gabegie, la corruption, la prévarication, la rente, l’argent facile pour les uns, difficile voire impossible pour les autres. Et le PJD vainquit. Cinq années plus tard, Abdelilah Benkirane remit cela en rajoutant une couche. Il faut dire qu’il avait été servi par cet excellent challenger qu’était Ilyas el Omary. Et qui jouait magnifiquement le rôle d’un punching ball.

Finalement, par on ne sait quel hasard malencontreux, M. Benkirane avait eu face à lui des personnages qui, à eux tous, embrassaient tout le spectre de l’approximation politique, et cela avait continué plus tard, en 2016, 2017, 2018, 2019, 2020… Les partis et les chefs de partis, à une ou deux exceptions...

près, étaient discutables et discutés, voire disputés. En 2017-2018, les Hamid Chabat et autres Ilyas el Omary sont passés à la trappe, et seul Driss Lachgar survécut parmi les « populistes » en charge de faire mordre la poussière au PJD d’Abdelilah Benkirane. En 2017-2018, Aziz Akhannouch a décidé de tenter sa chance, et avec Nizar Baraka, le niveau des challengers s’améliore… Mais les partis restent les partis, ayant peu de chances raisonnables de défaire un PJD très discipliné et maintenant une image de moralité qui, quoiqu’égratignée, continue de le servir.

Aujourd’hui, après 10 ans aux « affaires » et malgré un quotient électoral conçu pour faire l’affaire, le suspense est toujours là sur l’identité du gagnant… Et pourtant, un autre succès du PJD n’est bon pour personne : le parti de Saâdeddine Elotmani doit prendre une cure, panser ses plaies, repenser sa doctrine et replacer le curseur de ses loyautés... Pour les autres partis, rester éloigné des affaires est porteur de bien des dangers, comme le délitement, la déliquescence, l’exode massif de leurs cadres sous des cieux politiques plus prometteurs…

Pour autant, les choses seraient plus claires et la victoire d’un autre parti plus probable si le taux de participation était élevé, mais rien n’indique pareille hypothèse. Nous en revenons, donc, aux vasques, et si on retient un corps électoral d’environ 15 millions d’âmes et un taux de participation d’à peu près 40%, cela donnerait un bloc électoral de 6 millions de personnes… soit 5 millions en éliminant les bulletins nuls ou invalidés, qui se répartiront très inégalement sur les deux vasques : la première assurera environ 1 million de voix au PJD et la seconde offrira 4 millions de voix à tous les autres partis !... sachant qu’au sein de « ces autres partis », il semblerait qu’il y ait une alliance sacrée contre le RNI d’Aziz Akhannouch, qui fait cavalier seul.

Il conviendrait que ces partis conviennent tous seuls et comprennent qu’en allant aux élections en ordre dispersé et en silos, ils perdront cette élection et l’offriront sur un plateau d’argent à un PJD usé et désabusé. Alors, sans coup de théâtre et puisque le roi joue le jeu en nommant chef de gouvernement le chef du parti classé premier, nous aurons donc le choix entre MM. Elotmani d’une part, MM. Baraka, Akhannouch et Ouahbi de l’autre.

Chacun appréciera et agira à sa manière !...

Aziz Boucetta