(Billet 522) – Tous ces fronts ouverts en même temps par le Maroc

(Billet 522) – Tous ces fronts ouverts en même temps par le Maroc

Et brutalement, en quelques mois, l’Histoire s‘accéléra… Le Maroc, royaume serein ou les faits se déroulent à leur rythme, semble avoir mangé du lion, de l’Atlas ou d’ailleurs. Plusieurs fronts sont ouverts et plusieurs chantiers sont engagés, quasi simultanément, piquant une idée ici, dupliquant une politique là, répliquant avec fougue aux attaques venues d’ici et là…

Sur le plan extérieur, le Maroc est en pleine phase dynamique, épousant les évolutions de son temps, avec cependant quelques risques dus à sa situation interne. A regarder de près ce qui se produit dans le monde et dans la région, on a le sentiment de chaises musicales des grandes puissances sur notre sol. L’Oncle Sam arrive avec armes et bagages et son cousin anglais essaie de se frayer à son tour un chemin, les frères arabes reviennent peu à peu, la « présence française » perd pied et se demande pourquoi, la tutelle européenne bat de l’aile et les deux Empires extrême-orientaux avancent à tâtons et lancent chacun leurs hameçons.

En interne, le temps politique s’est aussi brutalement accéléré, comme pour compenser le ralentissement de l’activité économique. On lance la dépénalisation du kif, on officialise avec les Israéliens une relation qui n’a jamais vraiment cessé, on prépare des élections en tutoyant l’éthique et en triturant l’arithmétique, on met de l’ordre dans la haute, la très haute fonction publique, on isole le PJD et on cajole les autres…

Le temps se hâte donc, désormais… Les gouvernants marocains multiplient les animosités, les coups de froids et les grands coups de gueule. Avec les Algériens toujours irascibles, les bruits de bottes assourdissent et avec les Allemands, les fissures s’élargissent. Espagnols et Français doutent désormais de leur amitié pour le pays que jadis...

ils avaient occupé et qu’aujourd’hui ils ont du mal à comprendre. Normal, le Maroc grandit tant bien que mal et eux vieillissent mal, cherchant toujours la logique coloniale et la tutelle patrimoniale mais butant sur les nouvelles générations, instruites et de plus en plus anglophones, sûres d’elles et de leurs atouts.

Tout ceci est bien, flatteur, prometteur et encourageant, mais dans l’histoire des nations, il ne s’agit pas tant d’ouvrir des fronts que de les affronter, avec bonheur si possible. Pour cela, la condition est le renforcement du front intérieur car s’il est recommandé et relativement aisé de s’imposer dans sa région et d’accéder au rang de puissance continentale, ce que le Maroc entreprend d’ailleurs avec bonne fortune, il est fortement recommandé d’avoir la puissance et la stabilité que requiert la mauvaise humeur prévisible des puissances tout court.

Il est aujourd’hui temps de redonner, voire simplement donner à la politique ses lettres de noblesse. Il ne s’agit pas tant de poser l’éthique comme vertu cardinale que d’imposer l’équité comme principe inaltérable, et il est tout autant primordial que la justice soit aussi aveugle que son glaive soit droit et à l’endroit.

L’Etat marocain, pour des raisons qui lui appartiennent, a semble-t-il décidé d’accélérer la cadence des choses … mais pour cela, il aura besoin de tous les Marocains, chacun à son niveau et chacun selon ses capacités. C’est de la conciliation entre les différentes positions et de la réconciliation de tous que naît la véritable force interne d’un pays, laquelle lui permettra d’imposer sa présence et de poser sa puissance dans le concert des nations.

Nos gouvernants l’ont-ils vraiment compris ? La réponse viendra des décisions à prendre dans les prochaines semaines et mois.

Aziz Boucetta