(Billet 514) – PJD, J-1

(Billet 514) – PJD, J-1

Demain samedi, s’ouvrira, donc, un mois après la tenue d’un autre conseil, l’attendu conseil national du PJD. Exceptionnel à tous les égards, tant du point de vue juridique que sur le plan moral. Les membres, cadres et dirigeants du parti vont en découdre, entre messes basses et gardes hautes. Les anciennes querelles resurgiront et les fractures plus récentes seront âprement débattues. Tour d’horizon.

Le PJD est aujourd’hui un parti où l’ancien secrétaire général Abdelilah Benkirane vacille d’un énervement à l’autre, la garde haute et le verbe acerbe, coupe et renoue des relations personnelles, suspend son activité dans le parti dont il est l’un des pères fondateurs ; le PJD est un parti où le président du conseil national est démissionnaire, mais maintenu par ses adversaires du secrétariat général, jusqu’au… conseil national ; le PJD est un parti où la discipline d’antan s’est fissurée au profit de clans et loyautés, remises en question et messes basses, entre idéologies hachurées, ambitions étouffées ou espérances personnelles contrariées.

Le PJD est aujourd’hui profondément isolé mais, paradoxalement, encore fort. La raison en est que si le parti, avec ses ambitieux et ses contrariés, ses compromis et ses compromissions, a finalement cédé à l’usure du « pouvoir », il reste néanmoins soudé par sa foi en lui-même et par la foi tout court, qui revient en force. L’ensemble de ses cadres dirigeants est issu du Mouvement Unicité et Réforme (MUR), éduqués et formés à la même école, avec les mêmes référents et les mêmes réflexes ; celles et surtout ceux qui quittent le parti ne viennent pas du MUR, qui a établi une sorte de cooptation exclusive.

Le parti qui en 2011 avait mobilisé un électorat, ratissant large au sein des classes moyennes sur le mot d’ordre de lutte contre la corruption, a été triomphalement reconduit dans sa pole position, qui lui confère de jure la présidence du gouvernement. Entretemps, scandales de mœurs pour certains, opportunisme politique pour d’autres, mécontentements en cascade chez les militants de base en rapport avec des prises de position de leur hiérarchie… tout cela a sapé les fondements moraux du PJD, au point de...

pousser l’ancien secrétaire général et l’actuel président du conseil national à envisager de partir. Jamais le PJD n’a été aussi proche d’une implosion !

Que s’est-il passé ? Le Maroc a ouvert plusieurs fronts (peut-être même trop), économique, social, politique, géopolitique, qui nécessitent une très profonde révision doctrinale de la ligne politique du PJD. Langues d’apprentissage, reprise avec Israël, dépénalisation de la culture du chanvre indien… autant de sujets cruciaux pour le Maroc, mais conflictuels au PJD. Le parti ne saurait continuer à se déchirer en interne sur des questions idéologiques alors qu’il gère le gouvernement, même si le vrai pouvoir est détenu par les technocrates au sein de ce même gouvernement.

Le résultat de ce coup d’accélérateur politique marocain est d’avoir scindé clairement la nomenclatura PJDiste en colombes, prêtes à accompagner le pays dans ses évolutions, et en faucons qui campent sur leurs positions, refusent toute remise en question de leur dogme et, plus grave, reviennent aux anciennes antiennes islamiques, qui ne peuvent plus avoir droit de cité dans un Maroc qui se sécularise, ou devrait.

Les cadres et dirigeants du parti, les politiques plutôt colombes, se disent bien qu’il faut revenir en arrière, se replacer dans l’opposition, constructive, pour un temps de révision doctrinale nécessaire en ces temps de mutations générales nationales et internationales. Et c’est à leur capacité à convaincre les bases que ces dirigeants (MM. Elotmani, Ramid, Daoudi ou encore Mme Maelainine) montreront la flexibilité et le sens de l’adaptation du PJD, mûri par 10 ans à la tête du gouvernement. En face, les faucons comme MM. Abou Zaïd al Idrissi, el Azami el Idrissi, Abdelaziz el Omari et d’autres auront aussi à déployer clairement leurs arguments.

Alors, qu’il se passe quelque chose ou non au PJD ces 20 et 21 mars, le moment est celui de la rupture, car le point d’inflexion est atteint : il s’agira pour les membres du conseil national de choisir entre le clan et le pays. Et dans un sens ou dans l’autre, le PJD sera différent de ce qu’il aura été jusque-là, un parti soudé, une forteresse imprenable, voire inexpugnable.

Aziz Boucetta