(Billet 513) – De Dar Bouazza à Figuig, que vaut un Marocain ?

(Billet 513) – De Dar Bouazza à Figuig, que vaut un Marocain ?

« A tous ceux qui sont à l’étranger, ne rapatriez pas vos capitaux au Maroc, investissez ailleurs ! », sanglote un homme devant les bulldozers qui démolissaient les écoles de surf à Dar Bouazza en ce début de semaine. Triste, et édifiant… quelques centaines de kilomètres plus à l’est, à la frontière algérienne, des fermiers sont chassés par les Algériens, après plusieurs décennies d’exploitation de leurs terres… Que vaut un Marocain aux yeux de son administration ? Question ouverte.

A Dar Bouazza, plusieurs écoles, construites sur le domaine maritime, ont été démolies, à grand renfort de bulldozers, de forces auxiliaires et d’agents d’autorité. A côté d’eux, les intéressés pleuraient, les uns d’avoir perdu leur gagne-pain, les autres d’être privés d’écoles de surf pour eux et leurs enfants. Les écoles ne sont certainement pas dans la légalité la plus absolue, mais elles étaient là. Une administration consciente de son rôle et de ses responsabilités temporise, régularise et, le cas échéant, indemnise. Ici, elle fait montre d’une condescendance hurlante qui exaspère et irrité à l’égal d’une offense.

Si ces centres de surf ont été construites un jour, c’est avec l’aval des autorités « qui-savent-tout-et-veillent-sur-tout ». Et si ces écoles sont démolies, il appartient aux personnes lésées de frapper fort sur la table, bien stable sur ses dessous…

Il est bien plus facile de fermer des écoles de surf que des ateliers clandestins ! Quelle autorité à Casablanca ou ailleurs peut-elle soutenir la tête haute et le regard droit, qu’il n’existe pas d’usine informelle ou clandestine sur son territoire ? Et à Casablanca, le maire el Omari et le wali Ahmidouch se sont-ils bien assurés que toutes les usines, ateliers et autres manufactures respectent bien les règles ? Laissons-les répondre à leur conscience avant de donner des explications aux populations, sachant qu’ils n’éprouvent sous aucun prétexte le désir de dire la vérité.

A Figuig, les Algériens ont subitement décidé de récupérer un morceau de leurs terres sur lequel vivent et prospèrent quelques dizaines de fermiers marocains, en raison d’un droit coutumier qui leur est reconnu depuis 1901. Ils sont comme cela, les...

dirigeants algériens, revêches et désagréables, mais quid des autorités marocaines ? Si quelqu’un a des nouvelles… Une affaire de frontières, avec intervention de militaires algériens, ne saurait être exclusivement gérée par le pacha local et le gouverneur du coin.

Ces fermiers si rudement et si arbitrairement délogés seront-ils indemnisés, pris en charge par l’Etat marocain ? Il s’agit d’octogénaires vivant là de père en fils, de grand-père en petit-fils, sur plusieurs générations. Un drame, une tragédie, un cataclysme s’est abattu sur eux, pendant que les gens de Rabat font leurs calculs électoraux, PJD en tête.

Dans ces deux affaires, la société civile a tenu son rôle, les réseaux sociaux ont rugi, les médias ont réagi, et les actes de solidarité se multiplient. Or, dans un pays digne de ce nom – et on veut encore croire que nous en sommes un –, les gouvernants ont les yeux rivés sur leurs populations et les oreilles attentives à leurs doléances. Dans le cas présent, les partis ont encore une fois brillé par leur absence, le PJD qui gère la ville de Casablanca ne digère très certainement pas cette si impie activité de surf et sait ne pas avoir d’électeurs chez les auto-nommés Darbistes, ou si peu. Pour Figuig, la distance semble taire l’intérêt du Maroc utile.

Deux cas de spoliation, sous une forme ou une autre, intervenus la même semaine et montrant que quand l’Etat veut, l’Etat peut et peu importe les malheurs qui s’en suivent. Et dans ces deux affaires, l’Etat veut ménager les Algériens à Figuig, et il veut on ne sait trop quoi à Dar Bouazza. On peut valablement déplorer cette façon de traiter les citoyens et il est même permis de s’interroger sur la valeur réelle du Marocain aux yeux de notre administration et de notre classe politique, qui s’évertuent à présenter comme des vérités leurs approximations qui en sont l’exact contraire.

Le Maroc est plongé dans une crise de valeur, avec ou sans « s », et il est très risqué de multiplier les fronts à l’extérieur quand l’intérieur tangue.

Aziz Boucetta