(Billet 506) – Le quotient électoral passe, la majorité et la démocratie trépassent !

(Billet 506) – Le quotient électoral passe, la majorité et la démocratie trépassent !

Nous, on veut bien croire en la démocratie, et même en une démocratie de notre cru. Nous ne sommes tout de même pas obligés de copier ce qui se fait chez ceux que l’on voudrait bien, et vainement, égaler, n’est-ce pas ?… Oui, mais il y a la manière, dirait Brel, énervé ! La Chambre des représentants a finalement voté à la majorité une loi que le parti dirigeant cette majorité réprouve, conduisant ladite majorité à rejoindre une minorité qui devient ainsi majoritaire… Problème.

D’abord, il ne s’agit pas d’un amendement législatif car aucune loi ne précise le mode de scrutin dans ses détails opérationnels, mais un simple décret. Il aurait donc appartenu au PJD de faire des contre-propositions à cet amendement… Ensuite, il semblerait que l’objectif de ce nouveau quotient soit de verrouiller l’opération électorale pour éviter la majorité absolue d’un quelconque parti, aujourd’hui le PJD, mais demain un autre… Et franchement, au vu de la dualité de notre classe politique et de la duplicité de ses dirigeants, on ne peut qu’adhérer à cette idée, pour quelques années…

Pourquoi ? Parce que le PJD est sectaire et travaille en quant à soi, l’Istiqlal est plutôt clanique avec ses cadors du nord et ses matamores du sud, le RNI voit des affaires partout et fait de la politique une affaire avant tout, et au PAM rien n’est clair et tout reste à faire… Aucun de ces partis ne devrait pouvoir obtenir la majorité absolue, pour l’intérêt supérieur du pays et le plus grand bien de ses habitants.

Mais, pour autant, il y a la manière… ce vendredi, les élus PJD se sont présentés à 120 ; ils sont venus, ils étaient tous là, dès qu’ils ont entendu ce cri, elle va mourir la oumma… Ils voulaient passer en force mais ils se sont montrés faibles, autant que les autres partis,...

tous réunis pour l’occasion, ayant réussi l’improbable exploit de réunir péniblement quelques 160 députés.

Sauf que tout cela est d’une affligeante médiocrité et d’une légèreté ahurissante, au point que ce nouveau quotient électoral plonge tout le monde dans l’embarras. Les partis qui l’ont voté semblent ressentir une immense gêne à le défendre, surtout les partis qui ont encore un peu de respectabilité, comme l’Istiqlal ou le PPS… Les analystes et commentateurs ont avalé leur langue et rangé leurs plumes.

Albert Camus disait que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »… Alors nommons lesdites choses : Calculer le quotient électoral sur la base des inscrits est une hérésie démocratique… Il y avait certainement une autre manière de commémorer le 10ème anniversaire du discours du 9 mars 2011 et de la constitution qui en a découlé. Dix ans après ce formidable espoir suscité lors de cette période, et voilà qu’on recule de plusieurs décennies !

Les Marocains ne sont pas dupes et ils comprendront, malgré l’extrême technicité et complexité du calcul du quotient électoral, qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Maroc… et cela pourrait se refléter sur l’ensemble de l’opération électorale, exposée au risque d’une abstention extrême, puisqu’en votant ou non, les voix des inscrits seront prises en compte (de même que ceux qui sont morts).

Dans l’intervalle, cela pose le problème de la confiance du parlement au gouvernement dirigé par le PJD, aujourd’hui mis en minorité. Cela est évoqué dans l’article 103 de la constitution. Lâché de facto par ses « alliés », M. Elotmani devrait activer cet article et engager la responsabilité de son gouvernement lors du vote en seconde lecture du projet de loi concerné, après son retour de la Chambre des conseillers.

PJD chahuté, majorité éclatée, et on demandera aux Marocain(e)s de voter ! C’est l’insondable logique politique marocaine !

Aziz Boucetta