(Billet 490) – La crise est nationale, le gouvernement gagnerait à l’être aussi…

(Billet 490) – La crise est nationale, le gouvernement gagnerait à l’être aussi…

Jeudi 11 février, Conseil des ministres à Fès. Les ministres concernés répondent aux questions du roi sur la saison agricole et sur la campagne de vaccination : tout va bien. Et c’est le ministre de l’Intérieur (et non de l’Emploi) qui est interpelé sur la question des unités industrielles informelles et clandestines, en référence au récent drame de Tanger. Puis quatre projets de lois organiques sont approuvés, portant sur les élections générales. Le coup d’envoi est donc donné !

… et hourrah, nos partis vont se réveiller de leur longue torpeur virale ! Il est vrai que depuis près d’un an, ce sont les ministres de souveraineté qui travaillent, avec hauts et bas, combats et coups bas. Mais globalement, les choses ont été plutôt bien menées, dans une quasi-totale absence des partis… auxquels on veut aujourd’hui, curieusement, confier les rênes de la relance économique et du rétablissement de la société du grave trauma qu’elle a subi cette année.

Il y aura donc des élections cette année puisque ce Conseil des ministres a « débattu » de quatre projets de lois organiques, amendant les précédentes. On peut d’ailleurs légitimement s’interroger sur l’utilité, et surtout la finalité, des modifications législatives à chaque élection… Listes nationales et femmes, circonscriptions communales et incompatibilité, et cette année, nous aurons droit à un déjà épuisant débat sur le quotient électoral qui comptabiliserait les inscrits et non les seuls votants. Le Maroc aura ainsi, si l’amendement passe, réussi la douteuse prouesse de faire voter légalement des morts et d’exprimer urbi et orbi son mépris pour le choix de s’abstenir des abstentionnistes !

On l’aura compris… c’est haro sur le PJD ! PAM, Istiqlal, RNI et les autres se mettent en rang et mettent ce parti en joue, défiant ainsi la règle morale universelle qui veut qu’on ne tire pas sur une ambulance. En effet, après 10 ans de présence au gouvernement, à défaut d’être au pouvoir, le PJD tangue, doute, vacille, se divise, en panne de leadership et de relève. Les scandales d’alcôve, les ambitions contrariées, les révisions dogmatiques et le cas Israël auront achevé de terrasser ce parti qui n’avait jamais rêvé d’un strapontin au gouvernement...

avant d’occuper le fauteuil de son chef, 10 années durant !

Mais, quoi qu’il en soit, et nous le savons, une fois meetings, campagne électorale et scrutins passés, et le gouvernement constitué, ce seront – et fort heureusement – des ministres technocrates, de souveraineté pour plus de précision, qui continueront d’administrer le pays, comme aujourd’hui. Car, en effet, ce ne sont pas les partis qui mettront en musique le futur modèle de développement, ni qui seront aptes à relancer la machine sociale et économique.

La crise sanitaire et ses multiples déclinaisons économiques, financières et sociales ont été gérées par le roi, ainsi qu’il l’avait lui-même affirmé le 29 juillet dernier. Les conséquences et répercussions le seront aussi. L’affaire est trop sérieuse pour être confiée à des ministres peu pertinents émanant de partis peu entreprenants. L’argument servi par les inconditionnels d’un gouvernement politique est qu’ « on ne les laisse pas faire ». Fort bien, alors attendons une classe politique qui saura lire la constitution et saura « ne pas se laisser faire ni laisser faire ». Pour le moment il y a urgence !

Le monde entier cherche à asseoir des pouvoirs forts pour sortir d’une crise ravageuse porteuse de menaces dangereuses. Ce pouvoir, nous l’avons, mais nous persistons à reconduire aux affaires des gens qui, nous le savons, ne feront pas grand-chose, tant le PJD que le RNI, aussi bien l’Istiqlal que le PAM… Et s’il faut absolument avoir un gouvernement pour la sacro-sainte image du pays à l’extérieur, par ailleurs souvent entachée par des pratiques douteuses, alors un gouvernement d’union nationale, avec des technocrates pour le fond et des ministres d’Etat (chefs de partis) pour la forme, deux ou trois ans.

Trois extraordinaires défis nous attendent : Un modèle de développement à mettre en place, une crise économique et sociale majeure à maîtriser, et une nouvelle diplomatie africaine et israélienne à penser. Qui peut raisonnablement penser que ce sont nos (petits) personnels politiques qui feront le job ? Il n’est pas interdit de relire notre constitution et d’innover, même pour un court laps de temps… La situation n’est pas reluisante, pour ne pas dire menaçante.

Aziz Boucetta