(Billet 487) – Drame de Tanger : Maintenant et désormais, la corruption tue !

(Billet 487) – Drame de Tanger : Maintenant et désormais, la corruption tue !

On sait que la corruption retarde la croissance, qu’elle entérine les inégalités et qu’elle ruine les espoirs… Maintenant, et bien qu’on pût le deviner, la preuve vient de nous en être apportée : la corruption tue ! L’Etat marocain a semble-t-il fermement décidé de lutter contre ce qui est devenu plus qu’un fléau, une seconde nature. Fort bien, avec la tragédie survenue dans cet atelier clandestin à Tanger, l’occasion lui en est clairement donnée aujourd’hui… et plus de place aux faux-fuyants ou à la fuite en avant.

Les faux-fuyants sont les déclarations triomphales sur notre constitution et la phraséologie coutumière sur notre Etat de droit, et la fuite en avant est la punition exemplaire qui sera sans nul doute réservée au propriétaire de l’atelier clandestin. Il en faudra plus… La justice fera en effet son travail, mais les juges interviennent toujours a posteriori, une fois la loi transgressée et le mal fait. Or, partant du principe que Tanger n’est pas une terra nullius, l’autorité devra être convoquée, dans les deux sens du terme.

Disons-le clairement : rien ne se fait dans ce pays sans que l’administration territoriale n’en soit informée. Dans le cas contraire, ses agents auront failli, et seront révoqués ou affectés à une tache de tampons, peut-être mutés dans une région éloignée du royaume. Donc, si l’autorité était au courant de l’existence de cet atelier, et elle l’était sûrement, il appartient au ministère de l’Intérieur non pas de sévir aveuglément pour calmer la vox populi, mais de mener une enquête sur les complicités tout au long de la chaîne verticale de l’administration. Et si le wali était au courant, et bien le wali serait responsable, aussi ! Il ne s’agit cependant pas de couper des têtes pour le plaisir du sang, mais pour rompre avec une pratique de plus en plus intolérablement répandue.

Et quid de l’administration fiscale qui, avec sa nouvelle...

organisation et ses capacités de recoupement, devait nécessairement être au fait de l’existence de cet atelier, qui exporte ou écoule ses marchandises sur le marché local. Pourquoi n’a-t-elle rien dit, ni fait, si elle n’a effectivement ni dit ni fait ?… Puis, quand on emploie 40 personnes quelque part, l’inspection du travail et la CNSS sont généralement outillées pour le savoir, et entreprendre leurs contrôles et vérifications. Cela a-t-il été effectué ? Et si non, pourquoi ?

Nous nous gargarisons trop souvent d’être un pays organisé et structuré. Et nous le sommes, à n’en point douter. Alors de pareils dépassements ne doivent plus se produire, sous peine de voir qualifier cette organisation et cette structuration de « mafieuses », impliquant actes illégaux, complicités, omerta et couverture. Donc impunité. Et ne nous voilons pas la face : l’impunité crée des vocations.

Voici 13 ans, 50 femmes périssaient, carbonisées et asphyxiées dans l’incendie de leur usine à Casablanca, et aujourd’hui, 24 personnes au moins ont trépassé dans leur atelier, noyées ou électrocutées. Au-delà des chiffres, déshumanisés, cessons toute activité cérébrale et mettons-nous quelques instants à la place de ces gens qui ont vu la mort arriver, puis les emporter… Et dire que cela se produit au Maroc du 21ème siècle, celui où nous prétendons vouloir améliorer notre gouvernance et assurer notre émergence.

Dans ce royaume exquis où tout se sait et où l’Etat sait encore plus, combien d’ateliers clandestins fonctionnent-ils encore ? Combien d’usines emploient-elles des femmes en dehors de toute réglementation ? Combien d’usines exploitent-elles des enfants en dehors de toute morale ?

Nous autres, Marocaines et Marocains, aimerions vivre dans un pays dont nous serions fiers, qui n’abriterait plus ces monstres humains, assassins en « cols blancs », où la loi serait appliquée pour la loi pour la loi et non pour la vengeance. Est-ce trop demander ?

Il semblerait que oui, à moins que la puissance publique montre finalement que c’est non, et agisse.

Aziz Boucetta