(Billet 465) – Quand l’argent entre en politique, la politique s’appauvrit…

(Billet 465) – Quand l’argent entre en politique, la politique s’appauvrit…

« On a tout avec de l'argent, hormis des mœurs et des citoyens », disait Rousseau, et cela se confirme encore aujourd’hui, avec ces milliardaires qui surgissent ici et là sur le scènes politiques et causent moult dommages, voire ravages, sur leur passage. Le spectacle hallucinant offert hier par les Etats-Unis en est la preuve. Pour un milliardaire, tout a un prix, démocratie comprise, quel qu’en soit le coût !

Il est très difficile de changer sa façon de réfléchir et d’agir quand on a forgé sa carrière et qu’on a amassé des richesses considérables. Il est encore plus ardu d’endosser un costume de démocrate lorsqu’on bâti sa fortune dans le privé. L’entreprise n’est pas un lieu de démocratie, bien au contraire ; le capital y règne sans partage, toute contestation y est interdite et tout contestataire est rudement sanctionné. Ou simplement viré. Et en politique, les riches agissent selon les mêmes codes, entourés de cohortes de courtisans qui les y confortent.

Un ancien slogan de gauche affirme que « chaque milliardaire est une erreur de politique », ce qui est peut-être excessif… En revanche, un milliardaire en politique est une erreur serait une formule plus juste car cet individu projettera dans les institutions les comportements d’un conseil d’administration. Pas de contestation, pas de discussion, tout au plus quelques audits et une poignée de conseillers, qui veillent généralement au bon plaisir du « prince ».

Donald Trump aux Etats-Unis aujourd’hui, et hier Thaksin Shinawatra en Thaïlande ou Silvio Berlusconi en Italie… les cas les plus emblématiques de grandes fortunes ayant surgi en politique et bâti des systèmes ploutocratiques. Tous ont mal fini, en procès ou en promesse de procès, en exil ou pas, et tous ont causé du tort à leurs démocraties car ils fonctionnent selon leurs propres règles, impropres à la bonne marche d’institutions légales et équilibrées.

Or, la mondialisation combinée à la révolution numérique et à l’émergence des réseaux sociaux place l’argent encore plus au centre du jeu, et fait des détenteurs de...

grosses fortunes les maîtres de ce même jeu. Les populations, avec les réseaux sociaux, sont désormais à la merci des milliardaires qui utilisent tous les moyens et les instruments mis à leur disposition, moyennant monnaie sonnante et trébuchante, pour orienter, manipuler, au besoin manigancer, et certainement influencer.

Les Américains nous ont hier 6 janvier apporté la preuve du péril que doit désormais affronter la démocratie ; il aura fallu un simple tweet de Donald Trump pour mettre le feu à la poudre et déclencher ce qui s’apparente à un coup d’Etat, conduit par quelques milliers de personnes prêtes à tout et qui nous ont offert ce triste spectacle d’un abruti corné assis dans le fauteuil du président du Sénat, en plus de quatre morts !

Et ces gouvernements ploutocratiques émergent aujourd’hui un peu partout, sous diverses formes, les milliardaires en première ligne, les milliardaires tirant les ficelles, les milliardaires agissant sous couvert de partis politiques... et tous, l’intérêt personnel en bandoulière. Le Maroc n’échappe pas à la règle, et la dernière chose qu’il nous faut aujourd’hui est un gouvernement de riches, les gens chez nous n’ayant pas encore compris ce qu’est l’Etat, les intérêts privés et la dissociation des deux. La fameuse engueulade de Moulay Hafid Elalamy par le roi est encore dans les mémoires (ou devrait y revenir) et, dans l’attente de l’interminable attente du rapport de la commission ad hoc sur le rapport (et les « rapporteurs ») du Conseil de la Concurrence, la moralisation de la vie publique suite à un possible conflit d’intérêt est convoquée.

La politique est l’affaire de politiques, audacieux, dans le respect des règles et des traditions, mais audacieux quand même, sachant dire non quand il le faut, s’engager quand ils le doivent, avec pour seul intérêt et pour unique préoccupation l’intérêt général ! Le monde en général, et le Maroc en particulier, ont besoin de politiques, de vrais politiques, qui réfléchissent en termes de générations et non de ploutocrates qui dégénèrent les institutions.

Aziz Boucetta