(Billet 446) – Le Maroc invente la vaccination volontaire… mais obligatoire !

(Billet 446) – Le Maroc invente la vaccination volontaire… mais obligatoire !

Le Maroc lance la vaccination de sa population contre le Covid-19. Une phrase que tout le monde espérait entendre un jour sur nos terres, mais une phrase qui, une fois prononcée, commence à susciter de solides inquiétudes. Ce vaccin est-il fiable aujourd’hui, sera-t-il sans danger demain, est-il gratuit, sera-t-il obligatoire ? Aujourd’hui, tout ce qu’on sait, c’est qu’il est et il sera. Et comme d’habitude, une décision royalement audacieuse est prise, et sa déclinaison dans les faits patine.

La grande question qui se pose aujourd’hui est celui de la fiabilité de ce vaccin. Il y en a, globalement, de deux sortes, et pour faire court, nous les appellerons l’occidental et le chinois. Le premier est basé sur l’ARN messager synthétique, et le second sur la technique du virus atténué ou désactivé. Le premier se fonde sur les recherches génétiques des vingt dernières années, le second est éprouvé depuis plus d’un siècle. Les deux vaccins sont dits fiables, mais le second l’est un peu plus que le premier…

Le Maroc a fait affaire avec les Chinois de Sinopharm pour son vaccin anti-Covid-19, lequel utilise la technologie du virus désactivé, ou atténué. Mais le royaume serait également en pourparlers avec Pfizer et peut-être aussi AstraZeneca. Disposer de plus d’informations sur ces discussions serait utile… or, voici ce qu’a déclaré le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb : « Nous travaillons (…) le suivi post-vaccination [car] ce dernier est plus important que la vaccination en elle-même ». Fichtre ! Il en a trop dit, ou pas assez.

La grande interrogation est aussi de savoir si ce vaccin sera obligatoire ou non. Selon M. Aït Taleb, c’est non, l’injection devra s’effectuer sur une base de volontariat, dit le responsable, qui ajoute, suavement, qu’un passeport immunologique sera néanmoins obligatoire pour voyager à l’extérieur du pays. Donc le vaccin est officiellement obligatoire pour tous ceux qui se déplacent à l’étranger… On peut alors valablement se demander...

si le Maroc, tout préoccupé par son secteur du tourisme, aurait l’audace d’exiger en réciprocité ce passeport aux millions de touristes se présentant à ses aéroports, et venant de pays où le vaccin n’est pas contraint.

Autre préoccupation d’importance… qu’en sera-t-il à l’intérieur des frontières, sur le sol national ? Toujours l’absence d’informations, mais la rumeur court… On parle alors de restrictions aux déplacements sans certificat de vaccination. Comment le gouvernement pourrait-il faire admettre cela aux personnes réticentes à se faire vacciner ? La constitution du pays dispose qu’ « est garantie pour tous, la liberté de circuler et de s’établir sur le territoire national, d’en sortir et d’y retourner, conformément à la loi ». Il faudra donc une loi de restriction, mais le ministre l’exclut, et la loi sur l’état d’urgence sanitaire ne peut aller contre la constitution.

La rumeur dit aussi que pour accéder à des établissements de droit privé recevant du public, un certificat de vaccination pourrait être exigé. De quel droit imposer cela à des cafés, restaurants, salons de coiffure, hammams, plages, écoles ? Il faut, là encore, une loi… C’est un peu effrayant, et on gagnerait à en savoir plus, pour vacciner plus.

Or, le temps presse, les gens stressent, les délais de vaccination se rapprochent, et pendant que le gouvernement brille encore et toujours par son silence sur la nature et la nationalité du vaccin, et aussi sur son caractère obligatoire ou non, les réseaux fourmillent de fausses informations, les théories du complot font florès, les esprits s’aiguisent et se radicalisent.

On peut comprendre les appréhensions du gouvernement à communiquer et à expliquer les choses, mais il n’existe pas d’autres solutions, si on veut faire aboutir la politique décidée par le chef de l’Etat… car il n’y a rien de plus difficile que de convaincre une personne de se faire administrer dans le corps une substance autour de laquelle les doutes prospèrent et les inquiétudes fleurissent.

Aziz Boucetta