(Billet 414) – L’Istiqlal s’adapte aux temps modernes… et devient Istiqlol

(Billet 414) – L’Istiqlal s’adapte aux temps modernes… et devient Istiqlol

Le Maroc ne le sait pas, mais il abrite l’un des plus vieux partis au monde, et le deuxième plus ancien en Afrique, après l’ANC en Afrique du Sud. Ce parti est l’Istiqlal, fondé en 1943, conscience du pays, longtemps présent dans les esprits des Marocains, après avoir été encore plus longtemps couvé dans leurs cœurs. Ce parti a depuis quelques années subi l’érosion du temps, et il s’est adapté, se rajeunissant… et c’est là son problème.

De 1943 aux années 2000, le parti a connu l’impulsion d’Ahmed Balafrej, le « zaïmat » d’Allal el Fassi, la « maturité », doublée de « zaïmat », de Mhamed Boucetta et la « normalisation » sous Abbas el Fassi, qui devait paver le chemin à toutes les dérives ultérieures avec le « chaos » de Hamid Chabat, il est vrai vite évacué, car pour les Istiqlaliens (et bien évidemment les Istiqlaliennes), trop, c’était trop.

Sous Hamid Chabat, le parti a définitivement perdu son lustre d’antan, avec les noms d’oiseaux qui volaient dans tous les sens, avant que ce soit le tour des assiettes lors du congrès de 2017. Puis, après la pluie, le beau temps, avec l’arrivée de Nizar Baraka, homme instruit, cultivé, polyglotte, accessoirement petit-fils d’Allal el Fassi, et ancien grand commis de l’Etat. Mais trop consensuel.

Il fut un temps où, pour parler de l’Istiqlal, on disait « lhizb », car il était véritablement le seul parti, qui comptait dans ses rangs des personnages aussi prestigieux qu’Abdallah Ibrahim, Abderrahim Bouabid et Mehdi Ben Barka, qui s’en furent plus tard créer l’UNFP, laquelle devait accoucher de l’USFP. De grands hommes portant de grandes idées pour un grand destin national et un beau dessein nationaliste.

Avec Nizar Baraka, le parti s’est encore plus « normalisé » que sous le règne de son beau-père Abbas el Fassi, acceptant de s’asseoir à la même table qu’un parti tel que le PAM qui, lui, a cruellement besoin de la reconnaissance des « grands » lesquels, ce faisant, rapetissent. Ainsi en juillet dernier, lors...

de cette présentation du mémorandum commun Istiqlal/PAM/PPS sur les élections, où les trois chefs de partis posaient volontiers, une semaine après une rencontre entre le chef du PAM et M. Elotmani…

Et voilà que survient la question du quotient électoral. L’idée d’étendre le calcul de ce quotient à tous les électeurs inscrits au lieu des voix valides n’est pas bonne car elle participera à la balkanisation du champ politique au soir des élections. Mais l’Istiqlal, décidément de plus en plus éloigné de l’esprit de la belle époque des Boucetta, Khalifa, Douiri, Ghellab etc… qui savaient dire poliment « non », a dit discrètement « oui » !...

Très discrètement, puisque son Comex (le nom scientifique de Comité exécutif) vient de claironner « que les prochaines élections devraient produire un gouvernement fort et solidaire composé d'un nombre limité de partis », après avoir fait parlé sur le site du parti un membre dudit Comex, M. Rachidi en l’occurrence, qui explique dans une langue de bois taillée à la tronçonneuse qu’au départ, le parti était pour la prise en compte des voix exprimées, valides ou non, avant que, « dans le but de rechercher un consensus et une convergence de points de vues, notre soutien à la proposition portait sur le calcul du quotient en se basant sur le nombre  d'inscrits, principalement pour renforcer le pluralisme politique dans notre pays et rendre justice aux petits partis qui ont des capacités politiques importantes ».

Quand l’idéologie disparaît et que les leaders pâlissent, survient le consensus, et le consensus est cette chose qui tue la politique, ou au moins la rend hideuse. On aurait pu attendre mieux du grand parti de l’Istiqlal, bien tristement devenu risible dans ses positions ; l’Istiqlal se transforme doucement en Istiqlol… ou quand les faucons ont été remplacés par des colombes roses et molles.

Ssi Ahmed, Sdi Allal, Ssi Mhamed, Ssi Abdelkrim, Ssi Boubker… réveillez-vous, vos successeurs sont devenus flous !

Aziz Boucetta