(Billet 413) – Elections... le deal ne crée pas forcément l’idylle

(Billet 413) – Elections... le deal ne crée pas forcément l’idylle

Si c’est une bouteille jetée à la mer, qu’elle y reste, et si c’est un pêcheur qui lance son filet dans l’eau pour ramener une belle prise, il risque seulement la crise... Le pêcheur en question est le législateur qui a eu un jour cette idée folle de créer un cas d’école en proposant un quotient électoral plutôt… anormal. La chose est assez sérieuse pour qu’on y revienne encore et encore !

Qui a pris cette décision ? Il s’agirait très certainement du ministère de l’Intérieur, en charge ici comme dans moult pays, de gérer l’affaire électorale. Mais il semblerait aussi, selon certaines informations, que comme on dit chez nous, « des partis ont mangé l’ail par la bouche du ministre », dans le sens où ce sont des partis politiques qui, voyant leur Bérézina approcher, ont (ou auraient) proposé cette hérésie démocratique à Abdelouafi Laftit, qui l’a (ou aurait) relayée.

L’hérésie, pour celles et ceux qui ne le savent pas encore (il est vrai que les gens ne se soucient pas, mais alors pas du tout, des scrutins 2021), c’est la nouvelle méthode de calcul du quotient électoral. En effet, au lieu de maintenir le système universel d’un quotient produit de la division des votes valides par le nombre de sièges à pourvoir dans une circonscription, on remplace les votes valides par l’effectif total des inscrits.

Cette affaire est encore au stade de la tambouille électorale, ou de la magouille partisane, dans les couloirs éclairés du ministère-qui-ne-dort-jamais… mais si cette curieuse idée venait à être retenue, au grand dam du PJD qui pousserait alors des hurlements justifiés, les électeurs un peu énervés en ce moment pourraient décider...

demain de ne même pas voter, puisque de toutes les manières le système électoral les ferait parler, même à l’insu de leur plein gré. En fait, cela serait un deal entre les partis, qui ruineraient tout espoir futur d’une idylle entre ces partis et la population.

Les médias font aujourd’hui leur travail, en rapportant l’information, en suscitant le débat et en titillant les partis politiques. Il se dégage de ces discussions que l’idée de changer le code électoral ne plaît pas à grand-monde, sauf à des chefs de partis davantage soucieux de l’élection que de l’électeur, plus intéressés par la carte électorale que par la morale.

Et c’est curieusement sur cette classe politique que les inconditionnels du maintien des élections portent leur confiance pour un Maroc plus démocratique. Face à la proposition de report des élections, les puristes de la démocratie ont poussé des cris d’orfraie, horrifiés qu’ils étaient de voir le processus démocratique « suspendu ». Or, celui-ci est tributaire de partis politiques dignes de ce nom, avec des dirigeants de renom, portés par des principes inaliénables et fondés sur des programmes réfléchis, rationnels et réalisables.

Ce n’est pas le cas, et alors qu’on défend la noble idée de la démocratie, voilà que ceux qui sont en charge de la mettre en œuvre, en l’occurrence les partis politiques, la déforment. Alors, si le débat sur le quotient électoral n’aboutit à rien, que la nouvelle et étrange méthode est mise en pratique et gravée dans le marbre de la loi, il faudrait peut-être revenir à l’idée première de report des élections…

« أَلَيْسَ مِنكُمْ رَجُلٌۭ رَّشِيدٌۭ »  (« N'y a-t-il pas parmi vous un homme raisonnable ? »)

Aziz Boucetta