(Billet 395) – Avons-nous définitivement raté le tournant Covid ?

(Billet 395) – Avons-nous définitivement raté le tournant Covid ?

Comme pour tous les pays du monde, il y aura un avant et un après pandémie de Covid-19. Qu’on le veuille ou non, cette maladie a changé, et change encore, bien des choses dans les esprits et les mentalités, comme le rapport à la mort, la relation à l’Autre, la confiance dans les services publics, l’espoir en des lendemains meilleurs… Au Maroc, tout avait bien commencé, avant un net ralentissement de la cadence et de justes et légitimes interrogations sur nous-mêmes…

Dès le mois de mars, nous avons vu, découvert, que nous étions capables du meilleur ; puis avec le temps qui passe, le naturel est revenu à sa vitesse habituelle, galopant sur nos imprécisions, notre défaillance dans les prises de décision, et nos travers sociaux. Au commencement, l’Etat était là, debout, sûr de lui sans être dominateur, avant de se montrer de moins en moins assuré et de plus en plus hautain, face à une population peu rassurée, plus méfiante. Puis en colère.

Socialement. En mars et avril, nous avons assisté à un extraordinaire et ô combien bel élan de solidarité. Les riches donnaient aux pauvres, les très riches à l’Etat, et les classes moyennes, plongées dans le doute du chômage et de la baisse d’activité, croyaient en cette solidarité qui est la marque de fabrique du Maroc. Depuis, c’est la sinistrose, chère au ministre Elalamy… les « riches » se plaignent en effet de l’inconscience des « pauvres » qui, en retour, les accablent pour leur insouciance. Les gestes solidaires se sont progressivement estompés, laissant libre cours aux égoïsmes de toutes natures.

Economiquement. Les pertes d’emploi se comptent par dizaines de milliers, et les pertes fiscales par milliards de...

DH. Le tissu industriel national avait œuvré à s’adapter, réussissant des prouesses, vite oubliées, égarées dans les méandres administratifs. Les effets d’annonce et les chiffres mirobolants se suivent et se ressemblent, mais ne parviennent pas à cacher la détresse grandissante des salariés se sentant en danger, pressentant des moments difficiles.

Politiquement. On savait nos dirigeants indigents, aujourd’hui, ils nous le confirment. Pas un mot ou bien n’importe quoi. Pas d’encadrement des populations mais un engouement pour les élections. Un ministre a été prestement débarqué en avril sans qu’on ne sache vraiment pourquoi mais deux ministres indélicats sont maintenus sans qu’on ne sache davantage pourquoi. Et cette caste se prépare à venir nous demander nos voix !

Aujourd’hui, en septembre, et alors que nous nous étions rengorgés d’avoir maîtrisé la maladie, voilà que le virus nous prend à la gorge et que les doutes s’installent, durablement. C’est dommage car après avoir pris des décisions impensables voici quelques mois (confinement, couvre-feu, frontières fermées et fermeture des mosquées, ramadan sans prières et sans visites familiales …), nous aurions pu… nos dirigeants auraient pu, auraient dû prendre les grandes décisions à même de nous propulser vers un avenir prometteur. Mais non, rien… silence abyssal.

Au lieu de nous faire prendre le tournant que nous attendons depuis si longtemps, le Covid-19 nous aura finalement montré que nos pesanteurs politiques, notre torpeur économique et nos douleurs sociales sont bien plus lourdes et dangereuses que nous le pensions. Nous sommes en train de le rater, ce tournant, pour replonger dans le tourbillon de nos habituelles turpitudes faites d’incertitudes, d'approximations, d'indifférence et d’amateurisme.

Messieurs nos dirigeants, vous chantiez vos louanges… et bien valsez maintenant !

Aziz Boucetta