(Billet 364) – Questions pressantes pour une relance oppressante

(Billet 364) – Questions pressantes pour une relance oppressante

Un dicton marocain bien connu philosophe sur l’entrée et la sortie du hammam… remplaçons le terme « hammam » par celui de « confinement » et nous aurons une idée de ce qui attend le Maroc et les Marocains. Que faire, quoi faire, comment faire, quand… et par qui ?

Commençons par une « bonne » nouvelle. Ce sera finalement le secteur informel qui « sauvera » le Maroc… En effet, les chiffres calamiteux, quasi cataclysmiques annoncés sur l’effondrement de la croissance et de l’activité ne concernent « que » 60% de l’économie du pays. Le reste, c’est l’informel, et cet informel agit par essence en dehors des chiffres et agrégats officiels. L’Etat a bien réagi en soutenant plusieurs millions de personnes entrant dans cette catégorie, et cela aura évité bien des avanies au pays.

Aujourd’hui, le secteur informel, même ébranlé, reprend peu à peu ses activités et retrouve progressivement des couleurs, certes groggy mais lhamdoullah... Il n’y est pas question d’épargne, d’investissement, de perspective… Les activités du secteur informel se déroulent en règle générale au jour le jour, pour subvenir aux besoins essentiels et journaliers des populations.

Cela doit pourtant impérativement évoluer, voire radicalement changer. Aujourd’hui, l’Etat a les statistiques, les données, les identités des gens de l’informel. Il doit donc mener une grande réflexion sur la manière d’intégrer ces millions de personnes dans la « famille économique » nationale, car si ces gens ont supporté les affres et les incertitudes du premier confinement, ils ne le feront certainement pas une seconde fois…

Et puis il resterait également à résoudre cette énigme (pour rester gentil…) : comment et pourquoi la CNSS ne couvre-t-elle que 3,5 millions de personnes, sur une population active de près de 11 millions ? Et celle-ci aussi, très simple, presque naïve : Pourquoi attend-on toujours la pluie pour tirer quelque chose de véritablement utile du Maroc du même nom, et même de l’autre ?

Pour le reste de l’économie, l’officielle, la formelle, le gouvernement devra...

faire face à des secteurs très largement sinistrés, dont certains auront toutes les difficultés du monde à se relever. Ainsi de l’événementiel, sinistrement figé, sans perspective agréable sur l’avenir… ainsi aussi d’une très grande partie du tourisme, dont 70% des personnels est en arrêt d’activité, partiel ou total. Il existe une faible probabilité de reprise de ce secteur en 2020, l’Etat ayant tellement bien fait les choses avec l’état d’urgence sanitaire qu’il n’a pas (trop) réfléchi à la conséquence immédiate, en l’occurrence celle de l’effroi des populations face à une vague virale. Et de fait, les réservations de chambres d’hôtels sont plus timides. Quant aux touristes étrangers, nul ne sait quand ils reviendront car nul ne sait quand les frontières rouvriront sans risque de refermer…

Tiraillé par le choix cornélien de relancer la machine économique en se fondant sur l’offre ou en dopant la demande, l’Etat aujourd’hui désargenté ne semble plus savoir quoi et comment faire, son arme principale de la fiscalité étant elle-même vidée de sa substance. De quelle façon pourrait-il donc avoir la paix sociale sans nerf de la guerre, lui qui a perdu des sommes astronomiques en trois mois d’inactivité, de non-production et de non recouvrement d’impôts au demeurant non justifiés et encore moins recouvrables ?

On l’aura compris… On dit que la relance est pressante, et elle l’est, mais les conditions de cette relance sont stressantes, voire même oppressantes. Avec l’équipe cabossée qui nous sert de gouvernement, et avec ces ministres indélicats en nombre croissant qui nous servent de mauvais exemple, ces conditions deviennent effrayantes. Peut-être alors que la principale problématique à régler serait davantage institutionnelle qu’économique, et dans ce cas, il semblerait qu’on ne puisse faire l’économie d’un grand débat national sur les conditions de la relance dans le court terme (à ne pas confondre avec la tâche de la Commission Benmoussa, plus prospective).

Aziz Boucetta