(Billet 363) – Le vote (ou la dot) obligatoire

(Billet 363) – Le vote (ou la dot) obligatoire

Les élections sont en théorie et en arithmétique calendaire prévues pour 2021. Ce sera la grande année électorale, avec trois grands scrutins, le local, le régional et, pour finir, le national. Mais entretemps, le Maroc a connu la Covid-19, il lui faudra du temps pour s’en remettre et les Marocains n’ont pas vraiment la tête à aller voter… Pas grave, c’est le moment choisi pour remettre sur la table l’idée de vote obligatoire, histoire de jouer le ballon d’essai… Shootons alors ce ballon.

Deux types de pays se disputent cette idée : ceux dont la démocratie est élevée et où l’Etat a besoin, réellement besoin, de l’avis de ses citoyens. Et puis, il y a ceux dont les partis politiques sont tellement honnis que pour conserver un semblant de crédibilité et de représentativité, ils tirent par la main les électeurs qui traînent les pieds. Le Maroc est dans le deuxième cas.

Alors, puisque l’idée est de rendre le vote obligatoire, plusieurs choses doivent préalablement le devenir aussi.

1/ Rendre automatique l’inscription sur les listes électorales afin de disposer d’un corps électoral qui ressemble à un corps électoral et pas seulement à sa moitié (15 millions d’inscrits en 2016, contre 25 millions en âge de voter) ;

2/ Rendre la chose politique attrayante pour que les populations s’en sentent un peu plus concernées. Et pour devenir attrayante, cette chose politique ne devrait plus ressembler à une sorte d’agapes entre vassaux et commensaux, où le citoyen n’est sollicité que pour aller voter.

3/ Rendre les partis politiques plus sympathiques que népotiques, plus audibles et moins doctes, reflétant dans la composition de leurs politburos les valeurs qu’ils disent vouloir défendre. Aujourd’hui, c’est loin d’être gagné, au vu des boulets siégeant dans les organes de direction des formations politiques. Ils se reconnaîtront.

4/ Faire de la politique un fait intelligent et pas uniquement pour faire de l’argent, soigner son entregent ou...

encore gruger les gens en soliloquant sur les valeurs éternelles d’une démocratie pourtant servie par si peu de démocrates. On les reconnaîtra.

Pour l’instant, le vote obligatoire bénéficierait à l’Etat, pour la crédibilité de son scrutin, et surtout aux formations politiques. En effet, comme il accroît le taux de participation et le nombre de voix recueillies, le vote obligatoire augmenterait aussi le volume de l'argent public distribué aux candidats et aux partis. Cela semble être une raison valable pour enflammer les partis car avec 7 ou 15 millions de votants au Maroc, le carré de tête restera le même, et la pole position ne se jouera pas nécessairement avec l’embonpoint du corps électoral. Mais il reste l’argent et ça, c’est une raison ! Une forme de dot pour un mariage obligatoire entre politiques et citoyens…

Une fois les points susmentionnés réunis – et nous n’en prenons pas forcément le chemin – il sera alors question de réfléchir à l’utilité d’un vote obligatoire. En obligeant les gens à voter, ils iront roter quelque chose dans l’urne… la férocité humoristique et la férocité tout court des Marocains n’est plus à démontrer. On en aura alors un aperçu, surtout si les gens pensent à préalablement immortaliser ce qu’ils glisseront dans l’urne.

Cela étant, il existe une décision à prendre pour faire utile avec l’obligatoire. Il s’agit de la comptabilisation du vote blanc, et pour perfectionner les choses, déclarer l’élection nulle (dans les deux sens du terme) et non avenue à partir d’un seuil prédéfini de bulletins blancs. Autrement, l’autre solution serait de revenir à notre grande histoire, et d’en tirer les principes d’une démocratie moderne dans le cadre de nos institutions ancestrales.

Les vieux pays du monde ont tous adapté leurs institutions, et même leurs constitutions, à leur patrimoine historique, en modernisant ce qui le doit et en aménageant le reste. Pas le Maroc.

Aziz Boucetta