(Billet 357) – Chassez ces fraudeurs que nous ne saurions (plus) voir !

(Billet 357) – Chassez ces fraudeurs que nous ne saurions (plus) voir !

Cette affaire de déclaration des salariés à la CNSS n’en est qu’à ses débuts, semble-t-il… Mostafa Ramid est pris dans la nasse et son collègue ministre Mohamed Amekraz résiste pour ne pas y tomber, malgré le démenti de son cabinet. Les deux cas, l’un avéré, l’autre pas, sont spectaculaires, car ils concernent deux avocats, deux ministres PJD, deux portefeuilles gouvernementaux sensibles. Le débat actuel devrait être élargi…

Laissons donc M. Ramid à ses turpitudes et M. Amekraz à ses frayeurs, et allons plus loin. Le problème est vaste, très vaste… deux chiffres cognent d’eux-mêmes : selon le HCP, 11 millions de Marocains sont actifs, et selon la CNSS, 3,5 millions de personnes sont déclarées par leur employeur. Où sont les 7.5 millions restants ? Pourquoi travaillent-ils hors couverture médicale et sociale ? Selon des nouvelles concordantes, ils sont tous Marocains, donc supposément égaux devant la loi et les hommes…

La crise de la Covid-19 aura montré bien des défaillances en matière de déclaration des salariés, puis de fraude des employeurs. Les cas Ramid et (peut-être) Amekraz affinent le problème. C’est vers les cabinets d’avocats qu’il faut diriger les contrôles, puis les cabinets de médecins, les agences d’architecture, les études de notaires, les officines pharmaceutiques… Les professions libérales, qui prennent tant de libertés avec les réglementations du travail et dont certains peu dignes représentants renvoient une image médiévale du pays. Et il semblerait même que plusieurs structures professionnelles de ces gens ne déclarent pas toutes les personnes qu’elles emploient.

C’est par là que devraient commencer les contrôles, qui seront très ardus car l’ensemble de ces cabinets de professions libérales se chiffre à plusieurs dizaines de milliers. L’Etat, la CNSS, ont-ils le moyen de contrôler tout ce monde ? Assurément non, et c’est fort ennuyeux. Il est donc nécessaire d’agir autrement. Une action à trois temps.

1/ Appel à régularisation. On a vu lors de crise sanitaire que l’Etat, quand il veut, sait communiquer et passer ces messages. Alors, pour commencer, gentiment, délicatement, un appel à régulariser pourrait être lancé aux professions libérales pour que médecins, avocats, architectes, topographes, huissiers de justice, notaires, pharmaciens… déclarent...

leurs personnels. Avec un peu de civisme, vivement encouragé par un zeste de menace pénale, ces professions pourraient rentrer dans le rang et dans la légalité…

2/ Introduction d’un système de déclaration par le salarié. Pourquoi est-ce seulement à l’employeur que revient le droit de déclarer son personnel ? Pourquoi l’employé ne jouirait-il pas, à son tour, de ce droit ? Il serait indiqué que la CNSS, ou même la loi, imposent à toute personne recrutée, et pour son bien, d’adresser une déclaration dans ce sens à la Caisse qui, plus tard, avec les gros moyens informatiques dont elle dispose, pourrait faire des recoupements et identifier les patrons peu scrupuleux, voire même crapuleux.

3/ Une très large campagne médiatique, pour expliquer leurs droits aux salariés, et les inciter à se déclarer une fois recrutés. La Covid-19 a montré la capacité de l’Etat à atteindre les chaumières les plus éloignées des zones les plus reculées, et à être convaincant.

Ceci est d’autant plus impérieux à faire que les infractions sont en général doubles : un salaire inférieur au minimum légal et un salarié non déclaré à la CNSS ; de tristes sorts imposés par de tristes sires. On dit que la grande, pour ne pas dire l’écrasante, majorité des cabinets d’avocats ne déclarent pas leurs salariés, et même quelques ordres… on dit cela, on le redit, on insiste. On dit la même chose des médecins et des autres professions libérales. Avocats, médecins, architectes, huissiers, pharmaciens… savent la vérité. L’Etat pourrait la connaître aussi. Il le doit, c’est son rôle de protéger les faibles contre les indélicats en vérifiant les comptes, et en réglant les leurs aux indélicats.

Après avoir montré des capacités d’organisation et de mobilisation jusque-là insoupçonnées, la puissance publique doit pousser son avantage et assurer la sécurité à ceux qui n’en ont pas et montrer de la sévérité à l’encontre de ceux qui ne la leur procurent pas, surtout quand ils ont de la ressource… Rousseau disait qu’ « on a tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens ». Il appartient à l’Etat d’y remédier, avec force au besoin.

Aziz Boucetta