Coronavirus : Dr Moussayer insiste sur le « capital santé » des personnes âgées

Coronavirus : Dr Moussayer insiste sur le « capital santé » des personnes âgées

Face à la pandémie du coronavirus, Dr Khadija Moussayer (photo), Spécialiste en médecine interne et en gériatrie (soins et prise en charge des personnes âgées), Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), revient ici en large sur la préservation du « capital santé » des personnes âgées face au coronavirus.

Nous vous proposons en large son analyse et ses conseils pour une bonne prise en charge de personnes âgées :

Les personnes âgées (PA), en particulier après 70 ans, constituent la population la plus vulnérable face au coronavirus. Leur protection est donc une priorité absolue et elle comporte un double défi : respecter absolument  le confinement et maintenir au maximum les capacités musculaires par l’exercice physique. Il faut ainsi combattre l'inactivité physique, la sédentarité et le stress qui peuvent conduire à un désengagement de la PA dans ses besoins quotidiens et l’entrainer dans une spirale délétère : sous-alimentation,  diminution  de la masse musculaire et des capacités cardio-respiratoires, aggravation des  pathologies existantes, dépression, perte d’autonomie…

Avoir une bonne hygiène de vie et  entretenir sa santé au cours de ce confinement est primordial non seulement pour affronter la contagion et éventuellement la maladie mais aussi pour éviter un affaiblissement durable et périlleux de la santé générale.

- Une alimentation suffisante

Le seuil de la perception de la faim et de la soif s’émoussant avec l’âge,  les PA ont tendance à diminuer leurs apports en aliments et en boissons, alors que leurs besoins énergétiques  sont peu inférieurs à ceux de l’adulte jeune : 2000 kilocalories par jour pour l’homme et 1800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2800 et 2200 à 30 ans.

Pour éviter la fonte musculaire, l’apport nutritionnel  en protéines animales surtout (viandes, poissons) et aussi végétales (lentilles, pois chiches, pois cassés, dattes et figues séchées, céréales…), doit même être supérieur à celui de l’adulte jeune et représenter 12 à 15 % des apports énergétiques journaliers. Les besoins en eau de boisson sont aussi toujours plus élevés chez la PA que l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5l/j) à cause d’une élimination urinaire plus forte.

- Une activité physique dynamique

Une pratique physique, même dans un espace restreint, est indispensable car la force des muscles des PA baisse rapidement en l’absence de mobilité. Il s’agit notamment de réaliser plusieurs fois par jour de petits exercices de gymnastique mobilisant en particulier les bras et les jambes (30 mn par jour si possible) et de se lever toutes les heures pour marcher.

- Une gestion de l’angoisse

La situation actuelle anxiogène provoque évidemment un sentiment d'angoisse chez beaucoup de PA, avec des risques d'hypertension, de hausse de la glycémie, de dépression.  Garder  des liens étroits  avec l’entourage, même à distance est primordial, pour faire baisser ce stress. La PA doit aussi se mobiliser pour entretenir son moral par tous les moyens possibles de distraction.

- Une poursuite des traitements en cours

Les personnes âgées doivent continuer leurs traitements existants et même ceux qui diminuent les capacités du  système immunitaire pour ne pas déstabiliser la maladie sous jacente. Il faut demander conseil au médecin traitant pour leurs adaptations éventuelles. L’automédication ou la surconsommation est par contre à prohiber en cette période !

 

Annexes :

1/ Un manque d’appétit fréquent chez la personne âgée

 Le manque d’appétit est en partie dû  à l’altération des perceptions des odeurs et du goût d’où une difficulté à identifier et apprécier les aliments. Le seuil de détection des 4 saveurs de base est ainsi augmenté en moyenne de 11,6 fois pour le salé, 7 pour l’amer, 4,3 pour l’acide et 2,7 pour le sucré par rapport à un  jeune adulte.

Contrairement aux idées reçues, les besoins énergétiques de la PA sont presque identiques  à ceux de l’adulte jeune :...

2000 kcal/j pour l’homme et 1800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2800 et 2200 à 30 ans.

2/ Une grande vigilance à l’égard de l’hydratation

Le seuil de perception de la soif s’émoussant  avec l’âge, la PA a tendance  à baisser ses apports en eau. De plus, Les pertes en eau  sont aussi plus importantes à cause de la plus forte résistance du rein à l’action d’une substance qui limite les pertes en urine (l’hormone antidiurétique). Par ailleurs, les mécanismes de régulation sont moins bien assurés, et l’élimination des surplus de sucre ou de sodium s’accompagne d’une plus grande perte  en eau. L’équilibre hydrique est également menacé par certains médicaments (diurétiques, neuroleptiques…). Pour toutes ces raisons, les besoins en eau de boisson sont toujours plus élevés chez la PA que l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5l/j)

3/ Attention à la diminution du capital musculaire

Le capital musculaire diminue chez la PA, ce qui aggrave l’état nutritionnel et l’hydratation. Les réserves en eau (73% de l’eau totale du corps sont stockés dans les muscles) baissent en effet corrélativement à la diminution de la masse musculaire (17% du poids du corps à 70 ans contre 30% à 30 ans). Ce phénomène, la sarcopénie, a des répercussions considérables par les faiblesses qu’il provoque : risques infectieux par baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires, chutes et fractures éventuelles compromettant l’autonomie de la PA…

Pour éviter l’aggravation de la fonte musculaire,  l’apport nutritionnel conseillé en protéines animales (viandes, poissons …) et/ou végétales (amande, pistache, noix de cajou, haricots rouges, lentilles, pois chiches, pois cassés, champignons, dattes et figues séchées, céréales…), doit être supérieur à celui de l’adulte jeune : 1 à 1,2 contre 0,8 à 1g/kg/j, soit 12 à 15 % des nutriments.

4/ Une qualité du sommeil à préserver

Le sommeil se modifie avec l’âge tant par sa structure que par sa qualité. Son temps total  diminue et il devient moins efficace car plus fragmenté par des réveils nocturnes fréquents. Il faut donc, autant que possible, essayer de conserver une heure de coucher et de lever régulière et s’exposer  à lumière naturelle durant la journée. Les boissons contenant des excitants (café, thé) ainsi que le tabac sont à éviter ou à consommer de façon minime.

5/ Les règles d’un bon confinement  pour les personnes âgées

Le coronavirus nous atteint à la suite de son passage par les yeux, le nez ou la bouche. Il ne passe pas directement  à travers la peau. Néanmoins, nos mains peuvent avoir à leur surface des virus après des contacts avec d’autres personnes ou des surfaces et objets contaminés et nous risquons ensuite alors de nous transmettre la maladie en portant nos mains au visage.

Les personnes âgées et toute autre personne à risque (ainsi que le reste de la population) doivent donc observer,  de façon encore plus stricte que les autres, les gestes « barrières » de protection et en particulier une distance d’au moins un mètre des autres personnes, des longs lavages complets  et réguliers de toutes les parties des mains (doigts, pouce, paume, dos de la main, poignet) à l’eau savonneuse après tout contact à l’extérieur.

Si ces personnes âgées vivent seules ou en couple et sont valides, le mieux est qu’elles restent strictement confinées à l’écart de leur entourage qui peut leur apporter tous les moyens de subsistance en les livrant de préférence sur le pas de la porte de leur habitation.

Si les personnes âgées vivent en famille, c’est aux autres membres d’observer scrupuleusement le confinement, en déléguant si possible à une seule et même personne le soin de faire toutes les courses nécessaires durant cette période, cette dernière acceptant alors  de se mettre le plus possible en semi-confinement à l’égard du reste de la famille.