(Billet 293) – Faire appliquer le confinement, plus ou moins finement...

(Billet 293) – Faire appliquer le confinement, plus ou moins finement...

Cinq jours après la décision des pouvoirs publics d’ordonner le confinement général des populations, les choses se passent plutôt bien. Les Marocains, dans leur écrasante majorité, adhèrent à cette contrainte, conscients que la mort plane, que ce qui se passe aujourd’hui n’est pas du jeu, que leurs vies sont réellement en jeu et que les enjeux sont énormes… Des vidéos circulent sur le web, montrant des images extrêmement émouvantes, et d’autres aussi, où les agents de la force publique perdent leur calme.

Nous avons tous vu les vidéos tournées dans les autres pays, où le confinement n’est pas accepté, où les pouvoirs publics font le job à moitié, où un président comme Donald Trump est dans le déni et un Premier ministre comme Boris Johnson a joué avec la vie de ses compatriotes en rêvant à une immunité imaginaire. En Italie, en Espagne, en France, l’hécatombe a commencé, bien malheureusement… Au Maroc, conscient d’avoir un système de santé aussi fragile qu’un poumon octogénaire abritant un coronavirus, l’Etat marocain a brûlé les étapes et ordonné le confinement, effectif dès vendredi 20 mars à 18 heures.

Le weekend suivant, les agents chargés de le faire respecter étaient plutôt compréhensifs, voire débonnaires, distillant des conseils sans instiller d’effroi. Mais dès le début de la semaine, ils se sont montrés plus sévères, courtois certes, mais fermes, parfois avec un certain excès. Nous le disions et nous le redisons encore, dans cette crise, il faut d’abord penser aux personnels soignants, aux travailleurs forcés d’être à leurs postes malgré les risques, et aux forces de l’ordre. Ils peuvent perdre leur calme, ils peuvent s’énerver…

Ces gens mettent leurs vies en péril pour protéger et sauver les nôtres. Ecoutons-les, obéissons-leur, soutenons-les, accordons-leur le bénéfice de la circonstance atténuante en cas d’énervement ou de dérapage, aidons-les… Aujourd’hui, des vidéos ont commencé à circuler, montrant des agents des forces de l‘ordre souffleter un, deux, trois jeunes, très certainement rétifs aux injonctions publiques et à l’unanimité nationale.

Ces agents sont dans la...

rue, sans autre horaire de travail que le travail à plein temps et sans autre protection que leurs convictions. On a vu ces caïdes (femmes) prodiguer des conseils aux gens, les invectiver avec humour, les sermonner avec un bagout insoupçonné… On a vu des caïds se lancer dans des discours enflammés dignes des plus grands orateurs, on en a vu d’autres parler le langage du cœur aux immigrés subsahariens… On a vu cette femme médecin craquer et pleurer face à la caméra. Ce sont des images qui resteront gravées dans nos mémoires, de ces femmes et de ces hommes bravant le danger pour remplir leur devoir.

Pour autant, rien ne justifie la brutalité de la force publique, tout le monde s’accorde sur cela… En période de pandémie et de gens confinés, avec un virus qui peut emporter des dizaines de milliers de vie, rien ne justifie la violence… gratuite ! Nous avons vu des images de brutalité en Espagne, en Italie, en France, et aujourd’hui au Maroc. Peut-on réellement reprocher à ces agents exténués, chargés d’une mission aussi lourde que la protection d’une population, de perdre patience face à un individu visiblement agressif ou stupidement inconscient du danger et de sa propre inconscience ? Peut-on accabler un caïd énervé qui travaille nuit et jour pour avoir giflé un gars énervant qui glande le jour et la nuit ?

Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont actifs, les sociétés veillent et les gens surveillent. Si un dérapage volontaire ou un acte sadique est constaté, alors son auteur sera dénoncé, et sanctionné. Cela était déjà le cas avant le Covid-19, cela le sera encore plus pendant…

Mais accabler tout un corps de sécurité en généralisant quelques actes isolés et en le réduisant à leurs auteurs est un acte dont la mobilisation actuelle et l’esprit de corps naissant que l’on voit n’ont pas besoin. L’heure est à la mobilisation de tous et à la magnanimité de chacun, et certainement pas aux règlements de comptes anciens !

Aziz Boucetta