(Billet 265) – Le Maroc bouge… en « M rouge »

(Billet 265) – Le Maroc bouge… en « M rouge »

Dans un monde qui bouge, l’Etat marocain veut faire pareil et multiplie les « M rouge ». Un récent exposé du chef de la Société nationale de Transport et de logistique (SNTL) au parlement fait état de très exactement 152.957 véhicules de fonction, soit un peu moins de 4% des un peu plus de 4 millions de véhicules en circulation dans ce royaume qui bouge, donc…

Et puisque bouger il faut, autant le faire à son aise. Scrutez les marques de véhicules qui circulent, et vous comprendrez… Toutes les grandes marques y passent, car les neurones publics nécessitent du confort pour fonctionner. On peut, en dopant la complaisance, comprendre qu’un haut fonctionnaire, ministre ou secrétaire général, ait besoin d’aisance, mais pourquoi un président normal de commune rurale a-t-il l’usage d’un 4x4 rutilant ? Mystères de l’administration publique qui croule sous les dettes mais roule dans le confort…

Les véhicules estampillés M ou J « rouge » qui hantent nos avenues et boulevards ont plusieurs fonctions, en plus de celles communément admises et administrativement requises… transporter les enfants, assurer l’approvisionnement de la maisonnée, aller chercher le grand-père chez la belle-mère, servir d’auto-tamponneuse aux progénitures et, occasionnellement, convoyer le mouton pour le jour béni du sacrifice.

Et tout cela coûte un argent fou. Ainsi, l’acquisition de voitures, l’immatriculation, l’entretien, la réparation et la consommation de carburant ont coûté en 2018 la modique somme de 2 milliards de DH, dont la moitié en carburants ! Mais l’Etat aime ses serviteurs et, on le sait, quand on aime, on...

ne compte pas ; on essaie juste d’être discret. Les réparations ont pesé pour un peu moins de 500 millions de DH, mais les ventes de véhicules d’occasion n’auront curieusement rapporté que 60 millions de DH ; le vendeur et l’acheteur doivent être cousins, ou confrères…

Comparons avec d’autres pays, et constatons de prime abord que le Maroc est bien mieux loti en matière de ratio fonction publique/population active que bien des pays. Ainsi, au Maroc, ce ratio est de 6%, contre une moyenne de 26% dans les pays scandinaves et de 15% dans les pays de l‘OCDE, 22% en France et 18% au Canada. Mais il faut dire que notre population active est plutôt chétive, que les PIB de ces pays sont bien portants et plus importants en proportion, et que l’efficacité des services publics scandinaves, canadiens ou canadiens n’est plus à démontrer.

Là où le bât blesse et l’insanité agresse, c’est quand on compare les parcs automobiles de ces pays avec ceux du royaume qui bouge… Ainsi, si on retranche les 40.000 motos des 115.000 véhicules « M rouge », le Maroc aligne 75.000 engins pour 665.000 fonctionnaires. En France, les 5,7 millions de fonctionnaires utilisent 75.000 véhicules et au Japon, les 4.600.000 fonctionnaires roulent dans… 3.500 véhicules…. que leur pays fabrique.

Japon et Maroc sont les plus vieilles monarchies au monde, mais la notion de pudeur publique dans l’Empire n’a aucune commune mesure avec celle du royaume où on peut raisonnablement mettre en doute la volonté de dégraisser le mammouth.

Aziz Boucetta