(Billet 264) – Ces lois peu connues qui un jour ont changé nos vies

(Billet 264) – Ces lois peu connues qui un jour ont changé nos vies

Au Maroc, nous adorons dire et redire que nous sommes un Etat de droit… et nous le sommes souvent ! Mais un Etat de droit, ce sont des lois qu’on applique et non des textes venus d’ailleurs qu’on duplique. Et de fait, le parlement, chez nous, s’enorgueillit de dérouler les colonnes de chiffres et de statistiques des textes adoptés, et s’ils ne sont pas adaptés, ce n’est pas grave… Or, une loi importante, une loi qui marque, est une loi qui change nos vies… en bien ou en mal d’ailleurs.

Il y en a eu, de telles lois, et sous d’autres cieux, elles auraient porté les noms de leurs auteurs qui mériteraient de passer à la postérité. Petit florilège de ces lois.

1/ La loi Khalifa, sur l’horaire continu. En réalité, l’application de cet horaire à l’ensemble des Marocains n’a même pas fait l’objet d’une loi, mais d’une simple décision ministérielle, en 2005. Mais du temps de son magistère au ministère, Moulay Mhamed el Khalifa avait initié l’idée, la réflexion et une large étude d’impact. Et d’impact, il y en eut, car cette décision a changé les habitudes de consommation des gens et a contribué à la création des milliers d’emplois dans les gargotes destinées à restaurer employés, cadres et fonctionnaires des villes.

2/ La loi Ghellab, sur l’obligation du port de la ceinture de sécurité. Il s’agit du Code de la route de 2010, et Karim Ghellab était alors ministre du Transport (entre autres). Imposer la ceinture de sécurité aux passagers d’un véhicule, essentiellement à l’avant, a dû sauver des milliers de vies depuis 2010, surtout quand on connaît la manière de conduire des nôtres. Aujourd’hui, les moins de 20 ans s’étonnent de savoir qu’avant, on embarquait dans une voiture sans passer sa ceinture de sécurité. Il est vrai qu’aujourd’hui, les taxis, grands et petits, blancs, rouges ou bleus, refusent cette loi, résistent encore et toujours, montrant que l’Etat de droit a ses limites.

3/ La décision Benkirane sur la retenue de salaire pour les grévistes. La loi existait déjà, les syndicats fulminaient déjà aussi contre elle, mais la logique veut que l’on soit payé contre son travail et la morale impose qu’un acte militant ne soit pas rémunéré. En 2011 et 2012, rien ne fonctionnait...

dans le pays, communes, tribunaux, administrations centrales… Abdelilah Benkirane, avec son ministre Mostafa Ramid, ont alors pris un énorme risque en décidant d’appliquer la loi. Ce fut chose faite, et les fonctionnaires réintégrèrent leurs bureaux. A quoi tiennent les choses…

4/ La loi el Khalfi sur l’audiovisuel. Les cahiers des charges et la charge contre l’audiovisuel de Mustapha el Khalfi, qu’on le veuille ou non, auront impacté l’audiovisuel de ce pays. M. el Khalfi avait combattu comme un beau diable (un comble pour un islamiste) pour faire passer sa loi sur la HACA et l’audiovisuel. Il le fit, en sortit meurtri, mais cela est à inscrire à son actif. Grâce à lui, les croyants distraits qui regardent leur série turque et en oublient leur devoir religieux sont rappelés à l'ordre, 5 fois par jour !

5/ Les lois Laraki, et surtout la loi Amzazi. Feu Azzedine Laraki fut, à la jonction des années 70 et 80 du siècle dernier, à l’origine de la loi sur l’arabisation de l’enseignement. Elle aurait été bonne et utile, et même cohérente, si elle avait été bien appliquée, sur tout le parcours, du primaire au secondaire. Ce ne fut pas le cas et de pleines générations ont été saignées… Saaïd Amzazi, lui, a pris le contre-courant, défendant bec et ongles sa francisation de l’enseignement, même partielle. On peut être contre, on peut être pour, mais cette loi changera la vie de nos jeunes têtes brunes, et de leurs parents.

De tous ces personnages, on ne retiendra rien, sauf pour les plus cultivés qui ont vaguement entendu parler d’un ministre ayant fait un vague passage par un vague gouvernement. Quand on connaît la cohorte de ministres qui se sont succédés sans valeur ajoutée, s’ajoutant aux autres hommes à tout faire pour plaire, s’agitant comme des secrétaires généraux et généralement inutiles, ce n’est que justice de coller les noms de ces quelques ministres (la liste n’est pas exhaustive) à leurs lois et décisions, des ministres qui ont fait quelque chose d’utile pour ce pays et ont changé, en bien ou en moins bien, l’existence de ses populations.

Comme quoi, quand on veut vraiment, ce n’est pas difficile d’être un Etat de droit (taxis exceptés)… il suffit juste de trouver le personnel adéquat.

Aziz Boucetta