(Billet 245) – On se soulage d'abord, on se développe après !

(Billet 245) – On se soulage d'abord, on se développe après !

Avons-nous au Maroc, un problème avec l’hygiène d’une manière générale, et les toilettes publiques, plus spécifiquement ? Il semblerait que oui. Smart city, inter-mobilité, ville propre, ou même intelligente… autant de slogans que nos édiles nous servent à longueur d’année, nous soûlant au lieu de nous procurer où nous soulager, avec des toilettes publiques. Partout on réforme, on lance des chantiers, on renouvelle le matos, mais de toilettes, point !

Tous les Marocains connaissent cela. Une fois sortis de chez eux, il leur est hautement périlleux d’avoir une urgence urinaire. De toutes les façons, au Maroc, la notion d’urgence... Au tribunal et au marché, dans les cafés et les administrations, dans les trains et les écoles, aux stades ou simplement dans la rue, avoir soudainement envie de se soulager est un besoin impossible à satisfaire dans des conditions honorables et confortables. Et pourtant, il existe selon le ministère de la Santé 2 millions de diabétiques dans ce pays, qui ont souvent et impérieusement des besoins d’uriner… Et pourtant aussi, l’ONU qu’on vénère tant sous nos cieux a consacré le 19 novembre Journée mondiale des toilettes… Et pourtant encore, l’Objectif 6 des Objectifs de Développement Durable recommande la construction et l’installation de toilettes… Et pourtant chez nous, rien !

On dit souvent : « Montre-moi tes toilettes et je te dirai qui tu es ». Cela tombe bien, personne ne nous critiquera car nous n’avons pas de toilettes publiques à montrer ! Mais nous avons des diplomates étrangers, en revanche. L’un d’eux, venant d’un pays développé, donc propre, a émis cette hypothèse : « Il semblerait que les responsables marocains ne marchent pas souvent à pied !... ». Exact.

Et comme dans notre royaume magique, nous faisons les choses toujours de travers, ou à l’envers, dans les écoles, on inculque à nos chères têtes brunes des...

trucs du genre « la foi passe par l’hygiène », puis on les envoie dans des latrines qui donneraient la nausée à un putois… En 2017, un rapport alarmant de l’UNESCO soulignait qu’une école sur deux au Maroc n’était pas dotée de sanitaires, et selon plusieurs rapports internationaux et nationaux, l’absence de toilettes dans les écoles est l’une des raisons du décrochage scolaire, surtout pour les filles. Une autre forme d’inégalité… A quoi tiennent les choses…

Puis on soliloque péniblement sur 10, 12, 15 millions de touristes, sans penser une seconde que ces gens aimeraient bien trouver leurs aises dans des lieux d’aisance qui leur rappelleraient leurs pays. Dieu merci, il y a les buissons et les arbres, mais allez expliquer cela à un Allemand… On ne va quand même pas pousser l’outrecuidance jusqu’à demander à la Commission Benmoussa de plancher sur la problématique des toilettes publiques. Quoique…

Alors, lorsqu’on demande le pourquoi du comment, le ministre dit que c’est le wali, qui dit que c’est le maire, qui dit que c’est le wali et au final, walou ! Les édiles casablancais ont bien trouvé des toilettes, à 600.000 DH pièce, mais se sont attirés les quolibets de Casablancais en rétention urinaire. Allez, vite, un Conseil de gouvernement sur les toilettes publiques… Cela promet de passionnants débats philosophiques car, en effet, le ministre de la Santé est concerné car l’absence d’hygiène et de toilettes est une question de santé publique, et celui des finances doit sortir l’argent, pendant que le responsable de l’Intérieur doit signer les autorisations, et celui de l’Agriculture doit paniquer pour sa nappe phréatique… Seul le ministre des Affaires étrangères n’est pas concerné car souvent à l’étranger…

Alors, soulageons-nous chez nous, puis sortons dans la rue, et crions tous ce slogan : « Pas de développement sans soulagement ! ».

Aziz Boucetta