(Billet 243) – Et si l’on osait un moratoire constitutionnel ?

(Billet 243) – Et si l’on osait un moratoire constitutionnel ?

En ces temps de Commission spéciale et d’arguments spécieux pour le développement du royaume, l’équation démocratie et développement se pose avec une acuité nouvelle. Les développementalistes et les démocrates doivent rapprocher leurs vues, car leur dissociation dans l’approche de notre développement aboutit, depuis des décennies, et surtout les deux dernières, à l’effet contraire.

Bien que cela ne soit pas l’objectif assigné à la commission Benmoussa, la démocratie reste le fondement de ses actuelles auditions et de ses futures conclusions. En effet, et au-delà des questions habituelles et très compliquées sur le développement, la grande interrogation émise ici et là, avec de plus en plus d’acuité, reste celle-ci : « Qui mettra en œuvre les conclusions de la Commission ? ».

La réponse la plus logique, la plus directe est « le gouvernement, qui devra reposer sur une majorité, laquelle majorité serait le plus régulièrement du monde élue ». Fort bien, et pour la qualité de ce gouvernement, de cette majorité ? Les partis proposeront et les électeurs voteront. C’est beau comme un vase Ming.

Mais dans la réalité, dans la vraie vie, pour qu’une démocratie fonctionne, il faut des démocrates téméraires. A la question de savoir si notre classe politique est éprouvée par sa témérité, son audace et sa capacité à produire des idées, voire même à les imposer, la réponse est négative. En outre, et c’est le plus étrange, le Maroc avance avec un casting épouvantable… des entrepreneurs aux fonctions ministérielles, d’éminents intellectuels en charge de responsabilités politiques, des ingénieurs et autres technocrates désignés pour des missions fortement académiques…

Peut-être même que le problème est là… Nous avons les meilleurs plans du monde, les plus beaux programmes qui puissent être, et même souvent les moyens pour...

les mettre en œuvre. Seulement voilà, cela ne marche pas, ou peu, ou par hasard, ou par intermittence.

Il semblerait donc que le grand problème du Maroc d’aujourd’hui se trouve dans ses partis, forteresses inexpugnables que personne ne peut atteindre efficacement. Tout le monde les accable pourtant, mais personne ne se risque à les attaquer de front. Le roi ne cesse de critiquer l’action politique, donc des partis, les commentateurs et autres politologues ne tarissent pas de reproches acerbes et justifiés à leur égard, la population ne leur fait absolument pas confiance, et les choses en restent là car c’est sur le plan institutionnel qu’il faut les affronter.

Or, le plan institutionnel, ce sont eux ! Alors, pourrions-nous dire avec beaucoup de prudence et de retenue, pour ne pas s’attirer les hurlements des uns et des autres, il serait bon et utile de penser à un moratoire constitutionnel de quelques années… que la Commission Benmoussa à laquelle le roi a demandé de l’audace, de l’audace et encore et toujours, et surtout, de l’audace, pourrait oser proposer.

Et pour ne pas tordre le cou, définitivement, à toute idée de démocratie, un gouvernement d’union nationale pourrait être mis en place, à la suite d’élections anticipées. Cela ne marcherait bien évidemment que si le pouvoir restant, le judiciaire, remplisse son œuvre, sérieusement, en pourchassant ceux des politiques qui continuent d’infester, voire d’infecter, les états-majors partisans.

Le Maroc, pour se développer, a besoin d’ordre, d’audace et d’obligation de résultat. Or, une démocratie élective à la marocaine ne saurait en aucun cas être la panacée pour notre pays, pas plus qu’un autoritarisme débridé. C’est là que se situe l’équation à résoudre, Commission Benmoussa ou pas…

 

Aziz Boucetta