(Billet 214) – « Une enquête est ouverte »… l’hécatombe routière aussi

(Billet 214) – « Une enquête est ouverte »… l’hécatombe routière aussi

Encore un drame, une tragédie de plus, une hécatombe qui se poursuit, et qui n’étonne même plus personne… un bus se renverse au nord, occasionnant 17 décès et 35 blessés. Rien ne semble plus devoir ou pouvoir arrêter ces morts inutiles, ces trépas que l’on aurait pu éviter… et rien n’est jamais réglé sur les routes sans une forme de violence légale… on parle de violence légitime de l’Etat ? Et bien la route est l’endroit idéal pour l’exercer, sans modération.

Rappelons encore une fois ces chiffres. Avec une moyenne de 3.800 morts par ans sur nos routes (autant qu’en France, avec 7 fois moins de véhicules), et quelque 10.000 handicaps permanents, le Maroc et les Marocains ont pleuré plus de 70.000 décès en 20 ans, et plus de 200.000 handicapés lourds… sans compter les dégâts psychologiques. Près de 1% de la population !! Avec de pareils conducteurs, pas besoin d’ennemi…

La liste des tragédies routières est longue comme l’attente d’un nouveau modèle de développement… Et à chaque fois que l’imprudence et que l’impudence sont là, le sang coule, la mort survient, l’indignation advient, puis tout rentre dans le désordre… et une enquête est ouverte, « pour déterminer les responsabilités », qui sont le plus souvent celles des conducteurs d’engins lourds (camions et bus), et aussi les fortunés décérébrés, jeunes ou moins jeunes, au volant de leurs bolides,. Et les choses en restent là. Las…

Septembre 2012, 42 morts à Tizi’n Tichka… Août 2013, 10 morts près de Chichaoua… Avril 2015, 33 morts, des ados, des sportifs, la plupart brûlés vifs dans le sud… Janvier 2017, 10 morts asphyxiés à Tafraout… et ce drame de Taza de cette semaine… les chiffres cognent, mais on s’arrêtera là. Il suffit de savoir que chaque jour, en dormant, 11 personnes sont mortes dans les dernières 24 heures ! Et tout cela avec 4 millions de véhicules circulant au Maroc, contre...

un peu plus de 3 millions en 2012 et un peu moins de 2 millions au début du siècle. L’argent coule donc à flots, sur les apprentis conducteurs par des sociétés de financement, qui financent à tour de bras. Mais, comme disait déjà Rousseau au 18ème siècle, « on a tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens », et ce qui était vrai en France à cette époque était valable au Maroc aussi, sauf que cela continue chez nous…

La solution est possible : un Etat ferme, rude, usant de ce qu’on a coutume d’appeler sa violence légitime. A défaut d’avoir peur de commettre un accident, il faut avoir peur de la maréchaussée, police ou gendarmerie, et de Dame Justice. En effet, les infractions sont souvent le fait de l’incivisme, de l’arrogance et de l’insouciance…  

La liste des « fils et filles de… » sûr(e)s de l’impunité, des soulards invétérés, des routiers irresponsables, des conducteurs d’autocars ayant tué est longue, et s’allonge encore, et celle des nantis qui paient sans souci leurs amendes est encore plus longue. Le Code de la route, tel qu’il a été élaboré par Karim Ghellab, puis revu par ses successeurs barbants, aurait été de bonne facture, mais sous d’autres cieux, avec des conducteurs moins pernicieux.

Dans l’Union européenne, les amendes peuvent être très lourdes, atteignant les 150.000 €, et les peines de prison pour homicides ou blessures involontaires sont effectives et peuvent aller de 2 à 7 ans ; les conduites en état d’ivresse (plus de 0,8 g/l), refus d’obtempérer et rébellion sont passibles d’embastillement, de même que les délits de fuite. Quant aux permis de conduire, ils sont retirés pour des durées allant de 1 an à… définitivement.

Au Maroc, buvez, sniffez, roulez, jouez avec les lois et les vies, foncez… et tuez. Les peines restent légères, la justice se montre coupablement velléitaire et nos routes délétères.

Aziz Boucetta