(Billet 185) – Nos grandes dames partent, aussi… à notre grand dam !

(Billet 185) – Nos grandes dames partent, aussi… à notre grand dam !

On savait que nul n’est prophète en son pays, comme le dit l’adage, et en terres marocaines, c’est plus vrai que jamais, surtout au féminin. Pendant que le royaume se vide à gros bouillons de ses talents (on ne le dira jamais assez !), voilà que l’ONU vient à son tour faire ses emplettes chez nous, récupérant des compétences et des expertises féminines qui se trouvent un peu en jachère ici… à un moment où on dit rechercher des talents pour donner de l’allant, et des compétences pour assurer la pertinence, la clairvoyance et la bonne gouvernance. Las… Antonio Guterres a pris une longueur d’avance !

Le grand chef de l’ONU connaît le Maroc, et il le connaît bien, on le sait… Et il le connaît tellement bien d’ailleurs qu’on peut même penser qu’il en connaît aussi les compétences, sans doute mieux que nous ne les connaissons nous-mêmes. Et que fait M. Guterres ? Et bien, il vient récupérer des dames de chez nous, laissées quelque peu en déshérence, voire en errance.

Le 30 mai de cette année, António Guterres avait fait de Najat M’jid sa Représentante spéciale chargée de la question de la violence contre les enfants avec rang de Sous-Secrétaire générale. Cette dame est pédiatre, fondatrice de l’association Bayti pour les enfants des rues, et a exercé ses compétences dans tellement de domaines qu’il faudrait un plein fascicule pour en prendre connaissance. Ce fascicule n’a semble-t-il pas été lu par les responsables de ce pays. M. Guterres l’a fait.

Cette semaine, le même Antonio Guterres a jeté son dévolu sur une autre dame de chez nous, mais que ce chez nous laisse à ses activités hydriques à Oulmès. Et pourtant, cette dame a un palmarès riche et varié, sa dernière fonction publique sous nos cieux ayant été cheffe de la CGEM. Alors le patron de l’ONU l’a extraite de...

son quotidien pour la nommer membre d’un groupe international avec, excusez du peu, les boss des plus grandes banques mondiales. Le job : chercher de l’argent pour financer le développement durable.

Et puis il y a aussi cette grande dame, peu connue du grand public, mais qui a une grande carrière à son actif. Aïcha Basri est écrivaine, ancienne diplomate et porte-parole de l’ONU au Darfour, et à ce titre, l’une des 1ères lanceuses d’alerte au monde sur les crimes dans cette région du monde. Avec une diplomatie nationale qui peine et qui traîne, incertaine, elle aurait pu venir grossir ses rangs, mais il aurait fallu amaigrir ses egos… Et bien non, elle vit ailleurs, où il fait meilleur.

Résumons : Le Maroc a des problèmes avec ses enfants, il a besoin de financer son développement durable et affiche une carence en diplomates internationaux. Trois femmes, trois spécialistes de ces domaines, trois Marocaines, essaiment ou essaimeront de par le monde pour s’occuper de ces problématiques, laissant un grand vide ici. C’est dommage pour nous et regrettable pour nos décideurs.

Il y a aussi Saâdia Belmir, vice-présidente du Comité ONU contre la torture, basée à Genève. Ultra-diplômée et non moins ultra-compétente, cette dame a néanmoins vu ses talents reconnus chez elle ; elle est la seule femme membre de la Cour constitutionnelle. Serait-elle l’exception qui confirme la règle ?

A une époque, donc, où le Maroc a cruellement besoin de ses cadres et où il use de ses dames pour seulement apporter de la couleur dans des aréopages masculins plutôt gris et vaguement aigris, voilà que la seule ONU vient puiser dans ses réserves, se sert et le dessert, et elle n’est pas la seule ! Et dire qu’on vient de former un gouvernement, loin d’être paritaire ! Comme aurait pu dire le défunt Jacques Chirac, « notre pays se vide et nous regardons ailleurs » !

Aziz Boucetta