(Billet 145) – Quand les chefs économistes tancent les chefs politiques…

(Billet 145) – Quand les chefs économistes tancent les chefs politiques…

Un pays est généralement dirigé par ses chefs politiques qui ont une vision à court-termiste, électoraliste, souvent populiste… mais l’action et les actes de ces derniers sont tout aussi souvent corrigés par les chefs économistes, qui se projettent dans la durée. Le Maroc ne déroge pas à la règle, et la règle veut que les seconds remontent souvent les bretelles aux premiers, n’étant ni les premiers ni les derniers à le faire…

1. La semaine dernière, le chef économiste de la CDG Youssef Saâdani, épinglait la préoccupante polarisation de la société, appelait à la mise en place de services publics collectifs et anéantissait la politique du gouvernement en matière de santé et d’éducation. Autrement dit, le gouvernement ne fait pas son travail.

2. Voici quelques jours, le patron du HCP Ahmed Lahlimi décoche ses flèches contre les personnels politiques, et refroidit leurs ardeurs enthousiastes. Il remet en cause la politique industrielle, sans vision, et les incitations à l’investissement, sans prévisions. Il déplore le manque de stratégie unifiée et de cohérence politique. En un mot, M. Lahlimi tance sévèrement le gouvernement, qui ne fait pas, là aussi, son travail.

3. Quelques mois auparavant, c’était le wali de Bank al-Maghrib Abdellatif Jouahri qui disait ceci : « Quand un opérateur voit tous les jours les politiques se crêper le chignon, comment voulez-vous qu’il prenne des risques ? (…) sur le digital, où en est le gouvernement ? Il y a l’Agence du numérique qui fait des choses valables mais où est...

la législation ? », et le reste est à l’avenant… Le gouvernement, pour le wali, ne fait pas son travail.

Rappelons les mots durs adressés par le roi Mohammed VI à la classe politique dans ses discours de ces dernières années. Le chef de l’Etat ne cesse de demander des programmes nationaux sur le long terme : dans la formation professionnelle, dans l’agriculture, dans l’industrialisation, en faveur de la jeunesse… Pour le roi, le gouvernement pourrait (beaucoup) mieux faire son travail.

Pour l’instant, seules deux administrations ont su se réformer et épouser leur temps : la police et le fisc qui, grâce au Tout-puissant, ne dépendent du gouvernement que sur le papier… Le gouvernement ne fait donc toujours pas son travail. Or, les gens, intellectuels soient-ils ou simples mortels, le disent de plus en plus, de plus en plus fort : la classe politique que nous avons est incapable à porter les changements institutionnels introduits en 2011 ni à apporter du sang neuf réflexif en 2019. Mais être incapable de faire ces choses ne signifie pas nécessairement être inapte, voire inepte…

Le gouvernement est aussi assourdi par ses dissonances internes qu’abasourdi par les attaques externes ; il semble ne pas écouter la société, dans sa grosse composante populaire et aussi sa frange intellectuelle qui, elle, sait mais n’est pas appelée à contribuer par son savoir et son détachement au bien-être général. Et pourtant c’est ce qu’il faudrait aux gens du gouvernement : comprendre le monde et le Maroc avant de (co)tenir le gouvernail.

Aziz Boucetta