Zlecaf : Quel impact pour le Maroc ? Mouhamadou LY répond!

Zlecaf : Quel impact pour le Maroc ? Mouhamadou LY répond!

Lancée le 7 juillet dernier dans sa phase opérationnelle à l'occasion de la tenue du 12ème sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, les discussions sur les protocoles de mises en œuvre prévues prochainement sont pour l’instant précédées de discussions au sein des Etats concernés.

Pour le cas du Maroc, le gouvernement a dès les premières heures de l’initiative approuvé la démarche et en conseil de gouvernement comme au parlement la Zlecaf est approuvée.

Par contre le patronat et les entreprises marocaines veulent savoir davantage sur les termes de l’accord et quel impact cela aura sur l’économie du pays, par ricochet chez les entreprises.

Mouhamadou LY (photo)  est titulaire d’un doctorat en économie du développement et Économiste principal au Centre de la politique du nouveau Sud (PCNS), apporte ici des éléments de réponse sur l’impact de la Zlecaf sur l’économie marocaine

Quels peuvent être les impacts de la ZLECAF sur le tissu productif national marocain ?

Sur le principe l’économie marocaine est assez ouverte et comparée à certaines autres économies à revenu intermédiaire elle enregistre des taux d’ouverture nettement supérieur sur la période 2008-2016. A titre d’exemple le Brésil est ouvert à hauteur de 23%, le Maroc se situa à plus de 80% (données CNUCED). Cela montre que le pays est assez bien inséré dans le commerce mondial. Maintenant pour la ZLECA il s’agit d’une ouverture commerciale entre pays du continent. Deux chiffres clés : le continent ne pèse que 2,6% dans le commerce mondial en 2018 ensuite le potentiel de commerce intra-africain reste très peu exploité malgré une croissance des échanges de 17% soit 159 milliards de dollars américains en 2018 (le commerce intra-UE se chiffre à plus de 3700 milliards de dollars).

Pour revenir au cas du Maroc, si l’on prend le cas du commerce de biens intermédiaires le commerce avec les autres pays du continent représente 6% du total de ses échanges (et l’Afrique occupe 7% des exportations marocaines).

L’impact attendu est globalement positif pour le tissu productif du Maroc. La ZLECA ouvrira au Maroc un marché de plus d’un milliard de consommateurs potentiels. Ce sera l’occasion également pour le Maroc de se spécialiser davantage vers les secteurs où il dispose de réels avantages...

comparatifs. A ce titre les métiers du numérique, de l’automobile, de l’aéronautique entre autres tels que développés à MIDPARK et Atlantic Free Zone seront le fer de lance d’une intégration réussie du Maroc au sein de la ZLECA.

Menaces sur l’économie marocaine ?

Je ne parlerai pas de menace car comme je l’ai déjà dit le Maroc, à l’instar de la plupart des pays en développement, a une économie très ouverte. La zone de libre-échange permettra un meilleur développement de l’industrie notamment celle de pointe (sans oublier les engrais et l’industrie de la banque et des assurances) en lui assurant de meilleurs débouchés. D’ailleurs le solde commercial du Maroc avec ses partenaires africains est légèrement excédentaire depuis quelques années déjà.

D’un autre côté le consommateur résidant au Maroc verra son bien-être s’améliorer à travers la diversité des produits désormais disponibles à des prix plus compétitifs.

Il est à espérer que les produits tels que les hydrocarbures et certains autres produits manufacturiers (industrie agroalimentaire par exemple) soient d’un accès plus abordable pour le consommateur résident au Maroc.

La ZLECAF pourra a-t-elle protéger les intérêts des entreprises marocaines qui se sont implantées hors du Maroc?

L’un des objectifs de la ZLECA c’est justement de promouvoir le « made in Africa » et pour y arriver les investissements notamment les investissements directs étrangers entre pays africains d’abord mais aussi des IDE hors Afrique. L’implantation des entreprises marocaines sur le continent sera plus facilité tout comme le sera les investissements d’autres Etats africains au Maroc. Sur ce plan des gains importants peuvent être attendus pour l’économie marocaine parce que qu’elle attire beaucoup d’investissements étrangers d’ailleurs en 2018 le Maroc a attiré environ 3,6 milliards de dollar (soit au 4ème rang continental). Pour les flux sortants d’IDE le Maroc se situe au 4ème rang continental avec 0,7 milliards de dollar en 2018. Des secteurs comme la banque et les assurances déjà assez bien implantées sur le continent notamment dans la sous-région Ouest. L’objectif à terme de la ZLECA c’est d’arriver à une union douanière et dans un cadre plus global la mise en place du passeport africain (agenda 2063 de l’Union Africaine) permettra une totale liberté de circulation des personnes et des biens sur l’ensemble du continent.

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue