(Billet 130) – MRE, une politique poreuse et (dia)sporadique

(Billet 130) – MRE, une politique poreuse et (dia)sporadique

Ils sont environ 5 millions de Marocains du et dans le monde, contre 1,8 en 2000. Un simple calcul : en 20 ans, 3,2 millions de nos compatriotes ont choisi de s’expatrier. Bezzaf… Précarisation et perspectives négatives ici, mondialisation et potentiel réel ailleurs ont favorisé le mouvement.  Une hémorragie de talents, certes, mais une hémorragie aggravée par le fait que cette communauté, ou diaspora, est largement négligée par nos pouvoirs publics.

Pourquoi négligée ? Réponse d’un ancien ministre, quelque peu désabusé : « On a déjà du mal à gérer les Marocains d’ici, alors ceux d’ailleurs… ». Grâce à Dieu, ce Monsieur est ancien ministre... mais les actuels ne semblent pas avoir mieux compris la problématique, et surtout l’utilité de cette diaspora, si l’on peut qualifier ainsi les Marocains du monde.

En effet, il n’y a pas de diaspora sans un discours et une conscience de diaspora, entretenue par le mythe du retour vers le pays d’origine, qu’on a quitté suite à un traumatisme (guerre, troubles, …). Au Maroc, pas de traumatisme grave, mais l’émigration s’est historiquement faite par vagues successives, et par segments sociaux, régionaux et/ou économiques, sur tout un siècle. Il n’en demeure pas moins que 5 millions de Marocain.e.s vivent hors du territoire national, et leurs qualifications, professions et connexions peuvent être mises à profit par les autorités publiques marocaines. Il faudrait juste qu’elles saisissent l’opportunité de cette population.

Dans un monde changeant, avec des défis plus grands et des mutations de plus en plus profondes, un sous-ministère...

attribué à cette diaspora, au nom de l’arithmétique politique et des équilibres partisans, ne suffit pas. C’est même une sorte de rabaissement de cette communauté, partie à jamais du pays sans jamais s’en départir, qui vit et prospère à l’étranger avec un attachement intact à la terre natale. L’Afrique s’éveille, l’Europe est en veille, le Maghreb n’est plus pareil, les USA surveillent la Chine qui, de plus en plus, émerveille ... et nos gens sont partout, dans 100 pays !

Aujourd’hui, c’est principalement la diaspora sportive, composée en majorité de « footballeux », qui est mise à profit par le Maroc. C’est bien, parfois, mais c’est insuffisant, toujours. Le Maroc dispose de milliers de médecins dehors, de dizaines de milliers d’ingénieurs de pointe, de personnels politiques placés et très bien placés un peu partout, et même de deux secrétaires généraux adjoints de l’ONU, Jamal Benomar et tout récemment Najat Mjid (dont la nomination a été moins médiatisée que l’installation d’un gouverneur !).

Un haut-commissariat, ou quelque chose du genre, serait un bon commencement pour définir une stratégie, une vraie, et pour maintenir en vrai tous ces gens dans le giron du pays… pour jeter des passerelles entre la société civile d’ici et celles, marocaines, d’ailleurs… pour vendre la marque Maroc qui les a vus naître, eux ou leurs parents… pour intercéder au besoin, intervenir si nécessaire… et pour ne surtout plus se contenter de la manne des transferts à laquelle semblent être réduits notre « diaspora », et qui se réduit.

Aziz Boucetta