(Billet 120) – Tout le monde s’en va… Sauve qui peut général !

(Billet 120) – Tout le monde s’en va… Sauve qui peut général !

Qui n’a pas dans sa famille ou parmi ses proches une ou deux personnes, parfois plus, qui ont quitté le Maroc pour s’en aller vivre ailleurs, ou sur le point de le faire, ou au moins voulant s’en aller ? Jeunes ou moins jeunes, en couple, seuls ou en groupe, légalement ou en mode fugue, avec ou sans diplômes, les gens partent à gros bouillons… tout en hurlant leur amour pour le Maroc.

Il suffit d’avoir étudié, de vouloir étudier, ou d’avoir un peu d’argent de côté, ou de la famille de l’autre côté, pour se décider à faire le grand saut… Il suffit aussi de trouver une âme sœur pour s’en aller… Tous les motifs sont bons. Et pourtant, le Maroc reste la mère-patrie, le pays cher, qu’on ne voudrait abandonner pour rien au monde, mais qu’on abandonne quand même pour essaimer de par le vaste monde. Le Maroc, on l’aime certes, mais on ne veut simplement pas y vivre. Il faudrait une escouade de sociologues et de psychologues pour expliquer cette tendance à cette « Grande Migration Avec Regret », s’ils ne sont pas déjà partis eux aussi…

Il faut dire que la conjonction du sentiment d’injustice et du ressentiment face au manque d’équité facilitent la décision de partir. Et la faillite de notre système d’éducation, ajoutée à une très forte sensation d’insécurité physique et surtout morale, jette nos enfants dans les bras grands ouverts des puissances étrangères...

Ce n’est plus un phénomène d’émigration, mais bien de sauve-qui-peut général, et...

deux chiffres indiquent la dimension de cette tendance : en 1998, 1,7 million de Marocains résidaient à l’extérieur du pays. Ils sont aujourd’hui 4,5 millions. Plus de 12% des Marocains vivent à l’étranger. Mais si, en 1998, les Marocains du monde étaient relativement peu formés, les choses ont radicalement changé depuis. Les études sont devenues un moyen de migration… Normal, car quel pays refuserait d’accueillir un cadre instruit qui ne lui a rien coûté et qui peut lui apporter beaucoup ?

Et de fait, selon des chiffres confirmés, 7.000 médecins exercent en France, et on ignore combien d’entre eux ont été entièrement formés au Maroc. Du tout bénéfice pour Marianne… 600 ingénieurs quittent ce pays chaque année. Un cadeau, encore… Et avec sa French Tech Visa et ses cabinets de chasseurs de têtes, la France pourrait aspirer, selon l’APEBI, plus de 2.000 ingénieurs par an ! Et avec cette crise des études de médecine, il faudra s’attendre à encore plus de départs, partant du principe que مصائب قوم عند قوم فوائد !

Et le gouvernement, dans tout ça, il fait quoi ? Il observe et attend la manne annuelle des transferts… Et pourtant, avec près de 5 millions de Marocains vivant à l’étranger, l’Etat pourrait troquer son admirable indifférence pour au moins organiser cette diaspora et lui maintenir ses liens avec le Maroc,. Une véritable politique pourrait être pensée à cet effet, et pas à travers un malheureux ministère délégué perdu dans la taiseuse et mystérieuse nébuleuse Bourita…

Aziz Boucetta