(Billet 97) – Mi-mandat : la haute manie de s’autocongratuler

(Billet 97) – Mi-mandat : la haute manie de s’autocongratuler

S’il n’y avait eu ce tapage médiatico-parlementaire, personne n’aurait su que le gouvernement Saadeddine Elotmani est à mi-vie. Et maintenant que certaines personnes le savent, cela n’a rien changé à leurs existences… Le gouvernement et la population semblent être sur deux lignes de vie parallèles qui, comme des droites, on le sait, ne se rencontrent jamais, sauf par divine dérogation… et les pouvoirs du PJD ne vont pas jusque-là…

Le chef du gouvernement s'est donc livré cette semaine à ce qu’on a coutume d’appeler un Grand Oral, avec majuscules pour bien souligner la solennité du moment. L’exercice consiste à se présenter devant le parlement et à y parler, en tenant deux heures environ sans que l’hémicycle ne se vide, sous le regard impavide des deux présidents et face au regard hagard de quelques centaines d’élus terrassés par la privation d’aliments.

En face, et cette fois n’étant bien évidemment pas coutume, la salle était quasi comble face à un M. Elotmani presque comblé… Mais ne nous y trompons pas : le parlement marocain est l’un des rares endroits du royaume où l’on peut tranquillement faire sa sieste tout en paraissant utile, les sièges étant si confortables… A la décharge de M. Elotmani, tous les grands discours grandiloquents des grands responsables sont grandement ennuyeux car il est difficile de tenir face à une personne qui, deux heures durant, dit du bien d’elle-même, de sa vie, de son œuvre…

Le problème de notre...

chef du gouvernement n’est pas tant le fond que la forme. En effet, le fond est un problème de fonds ; il n’y en a pas plus aujourd’hui qu’il n’y en avait hier, et il n’y en aura pas plus demain qu’aujourd’hui. Reste la forme... La grande différence entre MM. Benkirane et Elotmani est que le premier faisait le pitre, avec forces gestes, et que le second a toujours l’œil rivé à son pupitre, à égrener des chiffres indigestes. Mais la principale similitude entre les deux frangins ennemis est que ni l’un ni l’autre ne dispose d’un service de communication chouiya à la hauteur, qui contribuerait un peu à montrer l’ampleur (incomprise) de l’orateur.

Les politiques d’aujourd’hui, ailleurs plus que sur nos terres, ont compris qu’à défaut d’avoir des choses intéressantes à dire, il est important d’apprendre à dérouler les lieux communs. Chez nous, ce n’est pas encore le cas : on vous sert les pires platitudes avec un air de de Gaulle au mieux de sa forme, ce qui donne des discours de mi-mandat mi-mordants. Et ce n’est pas le visage serré de sérieux de M. el Khalfi qui rendra les choses claires…

Durant 5 ans, M. Benkirane a amusé la galerie et était à lui seul un service de communication. Il reste à M. Elotmani, un homme sérieux et intègre, à régler son problème avec les médias et les réseaux sociaux… avec la com, quoi !

Aziz Boucetta