(Billet 84) – Dialogue social… mais surtout crucial

(Billet 84) – Dialogue social… mais surtout crucial

Parmi ses très nombreuses qualités, le gouvernement a un remarquable sens du timing. Il vient de signer l’accord issu d’un long et fastidieux, voire ennuyeux, dialogue social, huit ans pile après celui de 2011, pour fêter son deuxième anniversaire et s’apprêter à un 1er mai plus ou moins prolétaire. Tout le monde est content : Miloudi Moukhariq (UMT) brandira son célèbre et vain V de la victoire, Saadeddine Elotmani excipera un jour de son instant de gloire, et Salaheddine Mezouar se sera arrangé pour rester dans l’histoire, ayant juste changé de fonction depuis l’accord 2011 dont il était déjà… Il est toujours là, Ssi Mezouar, pour acheter la paix sociale.

En réalité, ce dialogue social sera né dans la douleur. Le chef du gouvernement avait été gentiment éloigné, laissant « son » ministre de l’Intérieur à la manœuvre. Et pourtant, ce dialogue de sourds, devenu lourd avant de basculer en dialogue de fous, aurait bien eu besoin du bon docteur psychiatre Elotmani ; mais comme les discussions sont très techniques, il a fallu faire appel au rugueux polytechnicien Laftit, qui a donc abouti à une paix des braves, mais est hospitalisé depuis… Dans la douleur, disions-nous donc… De toutes les façons, M. Laftit et ses hommes font tout et M. Elotmani et ses alliés le reste.

Ainsi, des augmentations de salaires, dans le public, dans...

le privé, et même ailleurs si possible, des allocations familiales pour les marmailles et aux fins d’améliorer le rata dans les chaumières... Tout cela coûtera la bagatelle de 7 milliards de DH, soit un peu moins de 7% de la masse salariale publique, qui sera désormais de 115 milliards de DH. Damned ! Christine Lagarde ne va pas trop aimer, mais au Maroc comme ailleurs, quand on aime, on ne compte pas, pas plus que ne compte l’avis du FMI ou de ses amis de la Banque mondiale quand il faut dealer une paix des braves, même provisoire, pour éviter des événements graves.

On ne le dira jamais assez, aujourd’hui, les peuples ont acquis cette très mauvaise habitude de s’énerver pour un rien, surtout quand leurs espoirs et perspectives frôlent le rien ! Alors il faut les occuper, pour les calmer. Deux moyens au menu : les enrichir avec de véritables augmentations, chose impensable car infaisable, ou les occuper en les plongeant dans des calculs à n’en plus finir sur ce qu’ils ne pourront toujours pas s’offrir avec ces broutilles.

Car entendons-nous bien, les mesures bruyamment annoncées n’ont absolument pas de quoi constituer une classe moyenne qui se tienne, mais cela reste néanmoins un geste pour que le prolétariat s’en souvienne. D’ici là, de couplets patriotiques en augmentations rachitiques, la structure tient bon. Bon.

Aziz Boucetta