(Billet 79) – Leur Histoire et nos histoires
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- 19 avril 2019 - 16:03 --
- Billet
« Marocains, du haut de ce Morocco Mall, 15 siècles d’Histoire vous contemplent »… sauf que personne ou presque ne se préoccupe de ces 15 siècles, et tout le monde ou presque n’a d’yeux que pour les malls flamboyants et le bling bling ambiant... Avant, le Maroc était un grand empire, mais aujourd’hui, nous allons de pire en pire, alors même que d’autres nations sont reconnaissantes à leurs grands hommes, soucieuses de leurs monuments et recueillies en souvenir de leurs tragiques événements.
Ainsi de la France par exemple… Observons cette union nationale et communion populaire quand Notre-Dame a brûlé… Observons encore sa commémoration de ses grandes dates historiques, comme le centenaire 1918… Observons enfin comment chaque 13 novembre, elle se recueille en mémoire des victimes tombées lors des attentats imbécislamistes de 2015…
Puis revenons sous nos cieux… Qui peut dire deux ou trois mots sur Koceïla ou la Kahina, deux grands noms de notre histoire commune maghrébine antéislamique (tiens, tiens…) ? Qui peut discourir, ou même décrire, notre si longue villégiature en Andalousie, 8 siècles durant ? Qui connaît la bataille des Trois Rois en 1578 (photo), où les équilibres de l’ordre mondial d’alors avaient pourtant été bouleversés, en même temps que tant de trônes européens furent renversés ? Qui se souvient de la bataille d’Anoual en 1921, quand Abdelkrim avait décimé les armées espagnoles supérieures en nombre et en matos, et qu’il avait servi...
de modèle à Ho Chi Minh ? Trop loin ? Soit. Qui peut dire deux mots sur l’histoire du Maroc après l’indépendance, les coups d’Etat, les morts en tas, les ralliements et autres reniements, les prouesses des uns et mêmes les bassesses des autres ?…
Ils ont les cités médiévales, les cathédrales et autres bâtisses monumentales, soigneusement préservées et restaurées, maintenues et entretenues, célébrées et vénérées. Nous avons des ruines architecturales, et surtout mémorielles et mentales… Chez nous, le tombeau de Youssef Ben Tachfine sert de support aux lavandières à Marrakech, l’hôtel Lincoln à Casablanca tombe en ruine, la cité romaine de Tamusida (Kenitra) est une ruine et la démolition de l’hôtel d’Anfa qui abrita en 1942 la fameuse conférence du même nom a ruiné tout espoir de mémoire… Pourquoi la date du 16 mai 2003 ne serait-elle pas un moment de communion nationale ?
Dans le plus beau pays du monde, ce vieux et cher pays, on tourne le dos à un imposant capital mémoriel que d’autres nations paieraient au prix fort. Nous galvaudons le terme histoire en l’accolant aussi étrangement qu’abusivement à des événements dérisoires. Nous sacrifions notre grande et splendide Histoire pour de petites et sordides histoires qui ne nous font même plus pleurer, et le récit national se réduit à des récitations à la télé nationale. Les "15 siècles peuvent continuer de nous contempler", on ne les voit pas...
Aziz Boucetta
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